PATRICK BELCOURT
Le défi d’une vie !

Il pourrait être une des grosses cotes des prochaines élections. A Rose-Hill, où il sera candidat sous la bannière de Lalians Lespwar, Patrick Belcourt a su fédérer beaucoup d’électeurs. Il faut dire que sa campagne, il ne l’a pas entamée le 22 octobre mais il y a trois ans, en allant à la rencontre, jour après jour, semaine après semaine, d’électeurs, de familles, de quartiers…La mayonnaise semble vouloir prendre. Ce ne sera peut-être pas suffisant pour se hisser sur le podium, mais assez pour fausser la donne.

Entretien : Jean-François LECKNING

Vous êtes un enfant de Rose-Hill où votre ancrage est réel. Depuis trois ans, sous le label Nou Repiblik, vous labourez le terrain de façon méthodique à raison de trois fois la semaine. De Camp Levieux à Plaisance, en passant par Trèfles et Stanley, rien ne vous échappe. C’est comme un sacerdoce ?  

Vous savez, quand vous grandissez au sein d’une famille militante, de surcroit au numéro 19, vous ne pouvez échapper au virus politique. Au fil du temps, consciemment ou inconsciemment, vous semez des graines, vous tracez votre chemin, vous construisez votre parcours. Au bout d’un moment, ça s’impose comme une évidence : il faut se lancer, véhiculer de façon plus concrète ses valeurs et ses convictions…

J’ai l’impression que cette élection est pour vous le défi d’une vie. Je me trompe ?

Vous avez bien cerné les choses. Oui, ça l’est ! C’est le moment de se mesurer. Cette candidature est la continuité de ce qui a été fait depuis l’adolescence. Il était évident que j’allais me lancer tôt ou tard, plus tôt que tard d’ailleurs, et il était essentiel que ce soit à Rose-Hill, là où je suis né, et pas ailleurs. Je fais de la politique pour être au service des gens qui m’ont vu grandir, qui ont guidé mon chemin et que je veux aider en retour. Des gens dont je connais l’histoire, la vie, les souffrances.

C’est quoi faire de la politique pour vous ?

C’est aller vers les gens, comprendre leurs difficultés, apporter sa pierre à l’édifice et essayer de concrétisation un projet de société qui fédère. C’est aussi aimer les autres, écouter les autres, se poser la question de savoir comment on peut les aider. Antoine de Saint-Exupéry a tout résumé en quelques mots : « Etre homme, c’est précisément être responsable, c’est sentir en posant sa pierre que l’on contribue à bâtir le monde. »

Pour moi, qui étais lancé dans une belle carrière à la Mauritius Commercial Bank, le plus simple aurait été de ne pas m’engager. J’aurais pu me dire : « Patrick, tu es tranquille là où tu es, tu mènes une vie confortable, tu as réussi, tu es un homme accompli, ne fais pas la bêtise de tout quitter pour te lancer en politique… » C’est d’ailleurs ce que m’ont suggéré plusieurs amis. Mais voilà, il y a une force d’attirance vers les autres, vers la société, vers la politique.

Le plus simple et le plus sage n’aurait-il pas été de rejoindre un parti national, avec des bases et des acquis ? Là, sous la bannière de Lalians Lespwar, vous partez de zéro. C’est loin d’être gagné, non ?

Oui, rentrer dans une maison déjà construite, c’est toujours tentant… Mais l’emballage, seul, ne suffit pas. Je ne fais pas de la politique juste pour le plaisir de dire que j’en fais. J’avais besoin d’un projet qui rejoignait mes valeurs et mes convictions. J’avais surtout besoin d’avoir une liberté de parole et une liberté de penser. D’où l’idée de lancer Nou Repiblik avec quelques amis et partir de loin, Ce qui compte, finalement, c’est la destination.

Oui, mais là, vous serez seul contre tous. N’est-ce pas une démarche suicidaire ?

Vous vous trompez. A aucun moment je ne me suis senti seul. Vous savez, je ne suis pas fou, je ne me suis pas levé un matin, gonflé par mon égo, en me disant : « Ça y est, je me jette, advienne qui pourra ! » Croyez-moi, ça a été mûrement réfléchi. J’ai été à l’écoute des gens qui m’ont accompagné ces trois dernières années. Ce n’est pas Patrick et son projet. C’est Patrick avec les autres, avec les habitants de Rose-Hill. Et ça change tout !

Je suis sur le terrain tous les jours et je peux vous dire qu’il y a une dynamique, une ambiance, une symbiose, un dialogue. Faire de la politique, ce n’est pas vouloir tout écraser sur son passage. C’est venir avec un projet solide, fruit de trois années de réflexions, d’écoute et de partages avec des habitants, des familles, des quartiers. Tous vivent des réalités différentes et n’ont pas les mêmes besoins. C’est un challenge, un défi, une continuité. L’attente est là, l’envie aussi. Les Rosehilliens ont essayé toutes les combinaisons possibles. Du mauve, du rouge, du blanc, du bleu. Du mauve avec du rouge. Du bleu avec du blanc. Du rouge avec du bleu. Du mauve avec du blanc… Je continue ? Ils ont compris aujourd’hui qu’il faut d’abord regarder l’homme, ses compétences. C’est ce que je ressens, ce que j’entends.

Dans un contexte électoral tendu où le choix est principalement entre Jugnauth, Ramgoolam et Bérenger, que répondez-vous à ceux qui pensent que faire confiance à un petit parti c’est gaspiller son vote ? Est-ce que voter Patrick Belcourt c’est voter utile pour un Rosehillien ?

Au contraire, c’est tout sauf gaspiller son vote ! C’est se donner une vraie chance, pour une fois, que sa voix soit entendue et portée au Parlement. Je vais prendre le problème à l’envers. Que constatons-nous dans les grands partis aujourd’hui ? La plupart des politiciens suivent aveuglément leurs leaders, sans jamais avoir le courage de leurs opinions : « Mon leader a dit que… Mon leader pense que… Mon leader veut que… » A croire qu’ils n’ont pas leur mot à dire eux, qu’ils n’ont aucune conviction personnelle. A quoi cela sert-il de faire de la politique si c’est pour avoir la bouche cousue et les mains liés ? Moi ça ne m’intéresse pas.

Si demain je suis élu, je m’engage à être un député de bonne foi. Je n’ai, par exemple, pas l’intention de faire de l’opposition systématique. Je soutiendrai les bons projets d’où qu’ils viennent. Quand l’intérêt du citoyen sera au cœur d’un projet de loi, je serai le premier à le soutenir. Avec mes collègues de Lalians Lespwar, nous voulons redonner à la politique ses lettres de noblesse. C’est une urgence.

Prenez-vous l’engagement auprès de votre électorat à ne pas rejoindre un des trois grands partis après ces élections ?

Vous êtes bien placé pour savoir que l’opportunité s’était présentée il n’y a pas longtemps et que je me suis refusé à la saisir. Si je ne l’ai pas fait avant, pourquoi le ferais-je après ? Ce pays a besoin d’un nouveau projet politique. C’est le pari de Nou Repiblik. Vous savez, j’étais très bien loti à la MCB où j’occupais les fonctions de manager du département de Private Banking International. J’ai bossé dur pour en arriver là. Et je n’ai pas sacrifié tout ça pour ensuite aller vendre ma conscience au plus offrant. J’ai un projet long terme auquel je tiens.

Justement, quel avenir pour Nou Repiblik après ces élections ?

Nous avons des aspirations nationales. Pour nous, ces élections constituent un signal d’espoir. J’ai rencontré des citoyens perdus, découragés, qui pensaient qu’il n’y avait pas d’alternatives. Là, ils ont compris que quelque chose de fort se préparait. L’histoire de Nou Repiblik est magnifique. C’est un « Nou » rassembleur, qui parle aux plus jeunes. A nous de capitaliser là-dessus, de brasser large, de se servir de ces élections comme d’un tremplin pour fédérer un maximum de citoyens. L’histoire est en marche.