Pascal Lagesse
Intensément, passionnément…
Zafer, son style de peinture et sa prose atypique, ont fait de lui un artiste hors-norme. En secret, Pascal Lagesse livre bien des combats personnels. Des maux qu’il met à nu. Malgré tout, la vie vaut la peine d’être vécue. Le créatif se révèle un bon vivant qui croque la vie à pleines dents, cumulant les passions et les fascinations.
✍ Shareenah KALLA
📷 Umar TIMOL
ART. C’est toute ma vie, mon oxygène.
BONTÉ. Le monde souffre d’une carence en bonté. C’est une qualité morale, une façon d’être essentielle.
CAROL. Mon épouse. Née Lamport. Nous sommes ensemble depuis 22 ans. Artiste elle aussi. Elle a joué dans “Starmania”, “Les Misérables”, “Zozef ek so palto larkansiel”… Carol c’est une chanteuse extraordinaire, dotée d’une voix à la fois lyrique et non lyrique. Cette année, elle démarre un nouveau chapitre de sa vie en tant qu’auteure-compositrice. Mon admiration pour elle est sans limite. Elle m’inspire par sa détermination et son talent. J’apprends beaucoup d’elle et nous nous complétons merveilleusement.
DÉCOUVRIR. J’adore découvrir ! De nouveaux endroits, de nouveaux plats, de nouvelles techniques de peindre… Bref, la découverte de nouvelles choses est le sérum de la vie.
ÉCRITURE. Ma passion secondaire après la peinture. Quand je ne peins pas, j’écris. J’aime donner vie à de petits récits. L’écriture est un moyen de se défouler.
FAMILLE. Je suis père de trois enfants, que j’aime énormément. Marie a 26 ans, Lucas 22 et Noah 15. J’ai aussi une pensée émue pour mon défunt père Yvan, ancien directeur de la Mauritius Commercial Bank, mais aussi écrivain et chroniqueur de presse hors-pair. Il avait le goût des bons mots et de l’humour. Il y a aussi ma grand-mère, Marcelle Lagesse, une grande romancière et historienne qui m’a beaucoup influencé. Elle a laissé derrière elle de grandes œuvres, dont “La diligence s’éloigne à l’Aube”.
GÉNÉALOGIE. C’est important de connaître ses racines. J’ai appris que j’ai des ancêtres qui venaient d’Inde, et pas seulement de France. Il aura fallu un long travail de recherches pour découvrir leurs parcours mais, surtout, comment ils ont débarqué à Maurice.
HISTOIRE. J’en suis féru. Je regrette que l’histoire ne figurait pas dans le cursus scolaire à mon époque. Avec ma grand-mère Marcelle, nous avons passé des heures à parler de l’histoire de notre pays. C’est donc elle qui m’a transmis cette passion.
IDÉE. Ma tête foisonne d’idées. Elles grouillent de partout ! Heureusement que j’ai des classeurs intégré. J’arrive donc à mettre de l’ordre dans tout ce bazar et à classer mes idées en partant de la plus importante à la plus saugrenue. Conclusion : il y a des idées qui voient le jour et d’autres pas.
JARDINAGE. J’ai eu la bonne idée d’aménager un petit potager chez moi. Je plante moi-même mes légumes, notamment des carottes et des tomates. Le jardinage m’occupe. Quand ma femme me cherche, je lui réponds : “Mo dan mo karo !”
KREOL. J’affectionne le créole, une merveilleuse langue d’unité malheureusement sous-utilisée à Maurice. D’ailleurs, dans “John Berik”, mon roman paru en 2020, j’ai opté pour un récit à moitié en Français et à moitié en créole.
LUMIÈRE. Elle m’attire. La plupart des artistes aiment transposer sur leurs tableaux la noirceur de leurs idées. Ce n’est pas mon cas. Je suis guidé par ce qui est lumineux. Il y a déjà assez de noirceur dans ce monde.
MAURICE. Je suis un vrai patriote. Mon île se trouve souvent dans mes peintures. Pour rien au monde, je ne quitterai Maurice. L’herbe n’est pas plus verte ailleurs.
NAIF. J’avoue être parfois très naïf. C’est un gros défaut.
OBÉSITÉ. Toute mon enfance, j’ai été complexé par mon surpoids. Je subissais moqueries et agressions. Malgré tout, je faisais pas mal de sports et je jouais au théâtre. À une époque, j’avais beaucoup maigri grâce à ces régimes drastiques qu’on proposait dans les années 80 et qui, fatalement, vous faisaient reprendre encore plus de poids après. Aujourd’hui, je fais de la marche quatre fois par semaine et je contrôle autant que possible ma nourriture. Je souffre de dépression récurrente et je prends des médicaments à vie qui m’ont fait prendre beaucoup de poids. Je me bats journellement contre l’obésité et la dépression.
PARTAGER. J’aime partager. Surtout mes passions pour la peinture et l’écriture. Le partage doit cependant être réciproque.
QUESTIONNEMENT. C’est un vrai charivari dans ma tête. Je me pose sans cesse des questions et sur tous les sujets. Sur la vie, sur les raisons qui m’incitent à peindre, sur ma fin de carrière. Ces questions hantent même mon sommeil.
RAMSÈS II. Je suis fasciné depuis l’enfance par l’Egypte antique… Malheureusement, je ne trouve pas beaucoup de personnes avec lesquelles l’évoquée.
SIESTE. Je suis très partisan de la sieste. Je suis comme un ordinateur. Je suis complètement ‘restart’ après une bonne sieste.
THÉÂTRE. J’ai eu la chance de jouer dans plusieurs pièces, au théâtre de Port-Louis comme au Plaza. Une période qui m’a beaucoup marqué. Je suis triste de ne plus pouvoir le faire aujourd’hui. “Le dîner de cons”, que Philippe Houbert avait monté en 1996, est sans doute la pièce la plus marquante dans laquelle je me suis produit. J’ai aussi joué dans “Topaze”, “Le Père Noël est une ordure”, “La demande en mariage”, “On purge bébé” et “Mauritius”, mis en scène par Denis-Claude Kœnig. Jusqu’à la fin de ma vie je serai reconnaissant envers feu Octave Pascal pour m’avoir montré le chemin des planches au collège du Saint-Esprit. Il donnait de sa personne pour offrir aux adolescents une vision de la vie, des responsabilités au sein d’une troupe et le bonheur de briller devant les autres. Il a été un phare.
URGENT. Je suis allergique à tout ce qui est urgent. Quand j’étais dans le domaine de la publicité, je ne bossais que dans l’urgence. Aujourd’hui, c’est un mot que je ne peux plus entendre.
VAN GOGH. C’est mon peintre préféré. Vincent van Gogh m’a toujours inspiré par sa force de caractère et sa faculté de peindre sans se soucier du qu’en-dira-t-on.
WOMBAT. J’adore cet animal, une sorte de mini-ours qui vit en Australie.
XÉNOPHOBIE. Je ne supporte pas le racisme. Je suis pour le mélange des peuples et des races. On a tendance à oublier qu’ensemble on est tellement plus fort.
ZAFER. C’est mon style de peinture, que j’ai initié en 2003. Il m’a fallu vingt ans pour le développer. “Zafer” vient du créole mauricien. Il est utilisé pour nommer l’indéfini, quand on ne connaît pas le nom d’un objet particulier. L’équivalent français serait “chose” ou “truc”. Et comme je n’étais pas en mesure de classer mon style, je l’ai appelé ‘Zafer’. Le nom est resté.