Anishta Babooram
Gen Next !
GenNext. “La prochaine génération.” Pour réinstaller un Parti travailliste usé au pouvoir, le Dr Navin Ramgoolam sait qu’il n’a pas 36 solutions. Il doit faire confiance et valoriser de nouvelles têtes qui savent parler aux jeunes, qui se démarquent par une nouvelle approche de la politique. Sur les réseaux sociaux, deux noms ont déjà gagné la bataille d’influence : Fabrice David, l’incontournable héritier, et Anishta Babooram, très suivie par les plus jeunes. A 37 ans, cette native de L’Escalier se revendique une travailliste pure souche. Une, en tous cas, qui a compris que des enjeux simples, trop longtemps mis de côté comme l’environnement, la cause animale ou la laïcité, sont susceptibles aujourd’hui de toucher de nouveaux électeurs et faire basculer une élection. Son autoportrait en vingt-six lettres.
Texte : Jean-François LECKNING – Photos : Brady GOORAPPA
AHAANA. Ma fille, le centre de ma vie. Elle a 8 ans et m’a toujours porté chance. Le jour même de sa naissance, j’ai été nommée à la Commission des Droits de l’Homme. Je lui souhaite de grandir bien, d’être heureuse, de ne pas connaître les mêmes difficultés que moi. Ahaana veut dire “premiers rayons du soleil.”
BOUBA. Mon chien, un griffon de quatre mois. Le petit garçon de la famille. Il est très protecteur. Les chiens aiment d’un amour inconditionnel.
CONVICTION. J’ai toujours fait les choses par conviction. Je ne suis pas du genre à suivre la masse aveuglément. Une conviction ne peut en aucun cas être influencée.
DIEU. Mon destin est relié à ma croyance. Rien dans la vie n’arrive par hasard. Tout ce qui se passe c’est à cause de lui, par lui et peut-être même pour lui. Je ne suis rien sans Dieu.
ÉCRITURE. Je suis quelqu’une de très émotive et l’écriture est un moyen pour moi d’exprimer et de canaliser mes émotions. J’écris beaucoup, parfois des poèmes. J’ai toujours aimé les langues. En HSC, j’avais étudié le français, l’anglais et l’hindi.
FONCER. Je ne suis pas du genre à baisser pas les bras facilement. Je ne prends jamais un “non” pour une réponse définitive. Je m’inspire de l’aigle, qui n’a pas peur de défier le vent. Rien ne m’arrête. Certainement pas l’adversité. Aux dernières élections, je n’ai pas obtenu l’investiture de mon parti. J’étais blessée, découragée. D’autres à ma place auraient peut-être jeté l’éponge. Moi non : je me suis accrochée, j’ai redoublé d’efforts.
GANDHI. Il prêchait l’amour, le respect, la tolérance. Je ne comprends pas pourquoi il y a tant de haine dans le monde. Nous vivons à l’ère du chacun pour soi, nous sommes indifférents à la détresse des autres, nous avons du mal à accepter leurs différences. Quand je lis certains commentaires sur les réseaux sociaux, je crains parfois le pire pour mon pays.
HUMAN RIGHTS. J’ai eu la chance de siéger à la Commission des Droits de l’Homme entre 2014 et 2017. Mes visites en prison m’ont aidée à comprendre l’importance de la dignité humaine. A chaque fois que la société ferme les yeux sur la détresse d’un homme, c’est peut-être un criminel qu’elle aide à former. On a résilié mon contrat avant son terme. Je ne peux m’empêcher de penser que c’était lié à ma prise de position dans l’affaire du constable Hurrichurn, retrouvé pendu au centre de détention de Moka. Ça n’avait pas plu à certains que je parle de mort suspecte. J’avais reçu des menaces. Peu de temps après, j’ai été écartée.
IRON LADY. On dit que je suis une dame de fer. Bien que conservatrice, Margaret Thatcher m’inspire. Sa détermination était exemplaire. Elle a connu plusieurs échecs avant de réussir. A un moment donné, elle n’avait même plus assez d’argent pour continuer la politique. Son mari a tout vendu pour la soutenir. On connait la suite. Attention, je ne dis pas que je vais devenir Premier ministre (Rires).
JUSTICE. J’ai du mal à me taire face à l’injustice. C’est comme un appel intérieur. Ce n’est pas pour rien que j’ai failli être avocate. Je suis détentrice d’une licence en droit (LLM), mais j’ai finalement choisi un autre chemin.
KAIROS. C’est la faculté de saisir l’instant-T de l’opportunité, de prendre la bonne décision au bon moment. C’est apparemment mon cas.
LION. J’ai toujours aimé les lions. Je vous assure que ça n’a rien à voir avec Navin Ramgoolam (Rires). Je suis également membre du Lions Club.
MARCHE. Je me réveille parfois à quatre heures pour marcher. C’est une de mes activités favorites. J’ai récemment rejoint une communauté de marcheurs sur Facebook, The Steppers League. Le groupe est composé de gens de tous les pays et on se motive à travers des challenges, des échanges. La marche m’a aidée à perdre du poids.
NATURE. Quand j’étais élève au Collège Lorette de Mahébourg, j’avais fondé le Environment and Health Club, puis, à l’université de Maurice, le Naturally Wild Club. J’ai toujours été très sensible à la cause écologique et je regrette que l’État n’en fasse pas assez. On en parle parce que c’est tendance, mais sans vraiment être conscient de l’urgence.
OPTIMISME. J’ai surmonté beaucoup d’épreuves dans la vie. Il ne faut jamais désespérer. J’ai appris avec le temps à devenir optimiste. Je suis convaincu que si je fais les choses comme il faut ; si je suis le chemin que Dieu a tracé pour moi, un jour ou l’autre les portes vont s’ouvrir.
PAUVRETÉ. Je suis issue d’une famille modeste et je sais ce que c’est que de se battre pour joindre les deux bouts. J’ai été orpheline de père à dix ans et ma mère ne s’épargnait aucun effort pour nous élever. Elle gérait une cantine scolaire. Je me levais très tôt le matin, avant l’école, pour l’aider à cuire les faratas. Aujourd’hui, je suis sensible à la souffrance des autres. Mon vécu donne un sens profond à mon engagement politique. En 2014, j’étais moi-même en difficulté. J’ai prié Dieu pour qu’il m’aide à trouver un emploi. Je lui ai fait la promesse, en retour, d’aider les démunis. Quand j’ai été nommée à la Commission des Droits de l’Homme, au lieu de m’acheter une voiture hors-taxe à laquelle j’avais droit, j’ai préféré fondé l’ONG The Rising. Mon engagement est davantage social que politique.
QUATRE-BORNES. J’ai grandi à L’Escalier, un petit village du Sud, mais j’ai toujours voulu vivre à Quatre-Bornes. Une attirance que je n’explique pas. Aujourd’hui, j’y suis et j’en suis heureuse.
RISING NEWS. En 2019, j’avais lancé Rising News, une plateforme d’informations en ligne, qui était aussi le porte-voix de The Rising. Ça a duré deux ans. Malheureusement, les gens ont fait l’amalgame entre mon engagement politique et ma démarche journalistique, citoyenne et sociale. J’ai pourtant donné la parole à tout le monde, y compris des personnalités politiques du camp opposé. J’ai toujours aimé le journalisme. Si c’était à refaire, je le referais.
SIMPLICITÉ. Je pense être très terre-à-terre, très abordable. Ma simplicité s’exprime à travers ma façon de vivre et d’aborder les gens…
TRAVAILLISTE. J’ai le PTr dans le sang. L’identification à l’histoire, aux valeurs et aux combats du parti est très forte J’avais été meurtrie d’être laissée sur la touche aux dernières élections. J’étais en colère, j’ai dit des choses, mais le leader m’a compris ; il m’a dit qu’il regrettait. Des émissaires étaient venus me voir pour me convaincre de rejoindre le MSM. Ils m’ont proposé plein de choses, notamment la direction de la Mauritius Broadcasting Corporation. J’aurais pu me laisser tenter, penser à ma fille, à mon avenir… Mais mes convictions n’étaient pas à vendre malgré la blessure. J’ai dit non et je ne regrette pas. C’est au PTr que je veux évoluer. Ce parti représente beaucoup pour moi.
UNITÉ NATIONALE. Il faut faire en sorte que ça ne soit pas qu’un slogan. Je ressens beaucoup de tensions ces jours-ci. L’unité nationale est fragile, il faut savoir l’entretenir, apprendre à accepter et tolérer les autres.
VINGT-DEUX. Un chiffre qui me poursuit. Je suis née le 22 octobre 1984. Et 1+9+8+4, ça fait 22 ! Ma fille aussi est née un 22, en avril. Quand on ajoute les chiffres sur la plaque d’immatriculation de ma voiture, là aussi ça fait 22.
WILLIAM. Shakespeare of course ! Un auteur hors-norme. J’ai beaucoup aimé Macbeth et Othello, deux textes que j’ai étudiés en classe de littérature et qui montrent à quel point l’ambition peut aveugler et transformer un homme.
XL. Avant de commencer la marche, je portais du XL. Le medium me convient parfaitement désormais.
YAOURT. Un petit pot tous les jours me tient éloignée du docteur. J’ai appris à faire du yaourt pendant le confinement.
ZIDANE. Quel joueur ! Sir Alex Ferguson, dont je lis en ce moment la biographie, a un jour dit ceci : “Donnez-moi dix planches de bois et Zidane et je gagne la Ligue des Champions.”