Bernard Li Kwong Ken
L’homme aux mille vies
A 63 ans, Bernard Li Kwong Ken a eu un parcours particulièrement atypique. Travailleur acharné dans des domaines diamétralement opposés, la passion et l’enthousiasme l’ont toujours porté. Malgré ses réussites, il s’est évertué à aider les plus démunis à travers des actions sociales. Ce citoyen inclassable s’est récemment tourné vers la terre pour y faire pousser des fruits et légumes dénués de produits chimiques. Une aventure de plus à son palmarès de “touche-à-tout”. Son Abécédaire.
Texte & photos | Florence GUILLEMAIN
ARC-EN-CIEL. Je suis fier de faire partie de la nation arc-en-ciel. Je reste optimiste. Maurice sera toujours ce petit coin perdu du monde où il fait bon vivre malgré la “politicaille” qui a pris le dessus depuis un moment… Vivement les prochains élections. Et, qui sait, je serai peut-être candidat ! (Rires)
BERNARD. Un prénom d’emprunt pour me faciliter la vie au collège, malgré mes quatre tentatives de baptême catholique. Je garde espoir : mon père a été baptisé à 70 ans ! Mon prénom initial est Li Shui Cheong.
CRÈVE-CŒUR. Ce coin de paradis m’a conquis il y a 25 ans. J’ai un verger de letchis où je me refugie souvent. J’espère un jour y construire mon havre de paix et faire découvrir l’endroit aux Mauriciens.
DURABLE. Le maître mot du développement agricole que j’entreprends actuellement à Crève-Cœur et à Baie-du-Tombeau. J’ai créé un concept innovant de plantules qui poussent naturellement.
EMPATHIE. Je l’ai ressenti et mieux compris lors de mon passage à la tête de la “Bel Ombre Foundation for Empowerment”. C’est tellement facile de critiquer et de donner des leçons aux autres quand on n’est pas dans leurs souliers. On nait tous avec une croix à porter. Dans la vie, à chacun sa part de peines et de joies.
FACEBOOK. Un couteau à double tranchant, à ne pas laisser entre toutes les mains. J’y note beaucoup d’abus. Chaque mois, je supprime en moyenne 50 “amis” pour rester dans la limitation des 5000 imposée par Facebook.
GRANDS-PARENTS. Les miens viennent de Chine. Je ne les ai pas connus et ça me désole. Avant la pandémie, je prenais régulièrement l’avion pour Perth afin d’aller voir mes quatre petits-enfants. Les journées passées avec eux en l’absence de leurs parents sont un régal !
HUMOUR. “Seki pa konn mwa sagrin me seki konn mwa seki regreter !” (Rires) Je ne rate jamais l’occasion de faire rire mes amis, parfois avec sarcasme, mais j’en prends aussi pour mon grade en retour et j’assume.
INNOVANT. Je déteste la routine et je suis toujours en quête de nouveautés et de défis. Le dernier : faire découvrir les bienfaits de la roselle aux Mauriciens. J’ai attiré environ 8,000 personnes au jardin d’Elisabethville, à Baie-du-Tombeau, pour qu’ils viennent cueillir ce fruit rouge méconnu. Je mise sur trois fois plus de monde en 2022 !
JARDIN. Celui d’Elizabethville justement. Un jardin d’Eden, ma création… La majorité de ce qu’on y trouve a été transplantée de Crève-Cœur (épinard, patate douce, manioc, cresson, arouille violette, basilic, piment blanc, papaye, banane, etc.) Ces produits du terroir sont cultivés avec un strict minimum de produits chimiques.
KANGOUROU. L’animal mythique d’Australie où je finirais peut-être mes jours… L’île Maurice restera toujours dans mon cœur, mais le cœur a ses raisons que la raison ignore ! Au final, je n’ai jamais vu de kangourou à l’état sauvage en Australie, uniquement dans les zoos.
LONDRES. J’ai passé quatre ans dans la capitale anglaise et je m’y sens comme un poisson dans l’eau. Deux de mes trois enfants y sont nés. Même si la vraie “English Beer”, le “Battered Fish and Chips”, le “Cornish Pie” ou encore le “Steak and Kidney Pie” me manquent, je ne pourrais jamais y revivre. Je déteste les grandes villes.
MUSIQUE. Je n’imagine pas ma vie sans… Pink Floyd, Coldplay, Eagles, David Guetta, Bob Marley, Kaya, Jacqueline Farreyrol, Kenny G, Atif Aslam, Teresa Teng et tant d’autres font partie de mon interminable répertoire.
NATURE. Durant les quinze mois où je suis “devenu” ti-planteur, mon admiration et mon respect pour la nature n’ont cessé de grandir. Elle sait être généreuse mais impardonnable si elle est mal traitée. Donnez et vous recevrez.
ORIGINE. Mes ancêtres hakkas, issus du nord de la Chine, font partie de l’ethnie han, majoritaire en Chine. Les hakkas ont immigré vers le sud à maintes reprises durant les invasions mongole et mandchoue. La migration est dans leur ADN. Une grande partie de la diaspora chinoise éparpillée aux quatre coins du monde n’a cessé de bouger, tout comme les sino-mauriciens du reste, qui sont principalement partis vers le Canada et l’Australie.
PHOTOGRAPHIE. Fidèle à mes habitudes de faire différemment pour me démarquer, je fais de la photographie dans la pénombre ou l’obscurité, sans lumière artificielle. Comme on dit en anglais “a picture speaks a thousand words !”
QUALITÉ. Que je privilégie à quantité. Ce qui implique passion et perfection. C’est à la fois ma force et ma faiblesse. Quand on aime, on ne regarde ni les dépenses ni le temps. Seul le résultat compte. Mes plus grandes victoires ? La médaille d’or d’Alain Denis au contre-la-montre des Jeux des îles 93 aux Seychelles, quand je présidais la fédération cycliste. Il y a eu aussi l’enseigne IV PL@Y que j’ai contribué à faire naître, mon engagement à PILS pendant dix ans ou encore la Bel Ombre Foundation for Empowerment. Et, la dernière, le jardins d’Elizabethville…
ROTARY. Je suis rotarien depuis bientôt trente ans. Je vis à fond ma vie de travailleur social. J’ai commencé à l’âge de 15 ans durant mes années d’études au collège du Saint-Esprit. Ma première action caritative a été de sponsoriser la fille du jardinier du collège pour qu’elle puisse poursuive ses études. La devise du Rotary cette année est “Servir pour changer des vies.”
SINO-MAURICIEN. Une espèce en voie de disparition pour les raisons que j’ai mentionnées plus haut. Mes parents sont arrivés à Maurice dans les années 1940 et mes trois enfants ont élu domicile à Perth.
TABLE D’HÔTE. Le projet d’une table d’hôte à Crève-Cœur me tient à cœur. Je voudrais faire découvrir la beauté de la vallée paradisiaque qui inspira Bernardin de Saint-Pierre pour son roman “Paul et Virginie”, ainsi que les produits du terroir.
UNION. L’union fait la force. Je n’aurais jamais pu accomplir autant de choses si ma route n’avait pas croisé celle de collaborateurs de qualité partout où j’ai œuvré. Pour IV PL@Y, je pense à ma famille ainsi qu’à Mario Guillot et Valérie L’Eveillé. Pour le cyclisme, il y a eu Hervé Kong, Hervé Flore, Maurice Esnouf, José Achille, Philippe De Cotte et le ministre des Sports d’alors, Michael Glover. A PILS, j’ai côtoyé Nicolas Ritter, Dhiren Moher, Christine Hardy et Pascal Lamisong. Au Rotary, il y a eu Gaëtan Lee Wan Chung, François de Grivel, Hedley Athion, Dinesh Gajeelee. A United Way Geeta Currimjee. Pour la Bel Ombre Foundation, j’ai pu compter sur Anton de Waal, Audrey d’Hotman, Jocelyn Vigier ou encore Sabrina et Jannick. Enfin, aux jardins d’Elizabethville, j’ai la chance de travailler avec Prem et Kavita Jeetun, mais aussi Patrice et Rebecca. A toutes ces personnes et aux milliers d’autres avec qui j’ai collaboré mais que je n’ai pas cité je dis “Merci, je vous aime !”
VOYAGE. C’est la première fois en quarante ans que je n’ai pas quitté Maurice à cause de la pandémie. Et je me rends compte que je vis une vie trépidante et sans relâche. Rester bloqué ici m’a permis de me ressourcer. Je me sens tellement proche de la nature. L’agriculture m’a appris que nous récoltons toujours le fruit de nos efforts et que les méfaits envers l’environnement se paient tôt ou tard.
WI-FI. Je ne pourrais plus vivre sans, mais j’arrive à mieux gérer cette dépendance depuis que je travaille la terre. On ne peut rester accroché à son téléphone quand on tient dans l’autre main une pioche ou un arrosoir.
XL. En matière de taille de t-shirt, je suis passé du S au M après des séances de gym assidues à trente ans ; du M au L à 40 ans, l’âge où le ventre commence à sortir ; puis désormais au XL, car le près du corps ne me va plus. Bon, passons aux choses moins gros(tesques) si possible (Rires).
YIN ET YANG. Ayant grandi dans un milieu bouddhiste avec des valeurs et des philosophies orientales, je me sens privilégié de pouvoir, en parallèle, jongler avec mon éducation occidentale. Tout est dans l’équilibre.
ZOOM. Sans cette technologie, la pandémie aurait été plus désastreuse. La communication est cruciale dans cette ère digitale.