MURVIN CLELIE
Le dernier prophète !

“Mo pa le laglwar, laglwar zis pou bondie…” Cette voix rauque et emplie d’émotions qui résonne à tous les coins de rue depuis plusieurs mois déjà, c’est celle de Murvin Clélie, le leader du groupe The Prophecy. A peine leur deuxième album, “Where we belong”, était-il dans les bacs que nous étions déjà plusieurs à fredonner les refrains de “Laglwar”, disque de l’année 2018 ! Quand Murvin parle, on se rend vite compte que la personne et l’artiste sont indissociables.

Texte : Yianna AMODINE – Photos : Franklin DEMAREL

“Je remercie Kaya de nous avoir donné le seggae. J’espère arriver à continuer son combat.”

 

J’avoue que j’ai eu un doute lorsque j’ai pris contact avec Murvin Clélie, sur Facebook, pour lui proposer un entretien. Allait-il me répondre ? Lui qui, au moment où je lui écrivais, était en tournée en Europe avec son groupe, The Prophecy, pour présenter leur deuxième opus. Doute inutile puisqu’il me répond dès son retour et se dit partant ! Je le rencontre deux jours plus tard, à Plaine-Magnien, dans le studio qu’il a aménagé chez lui et où il passe toutes ses journées. Je réalise assez rapidement que, malgré ‘la gloire’ récemment acquise, Murvin est, à 24 ans, un jeune homme comme les autres. Ou presque. Son petit truc en plus : un timbre de voix hors du commun, qui ne le quitte pas même quand il parle, mais aussi une passion sans limite pour la musique et cette détermination d’aller toujours plus loin et faire rayonner l’île Maurice à l’international.

Nous ne parlons que très peu de son parcours, de ses deux albums, déjà bien ancrés sur la scène musicale mauricienne, et enchaînons naturellement sur ses valeurs et ses ambitions. Sur un ton posé et plutôt philosophique, il me parle de lui, la personne et l’artiste, qui, je m’en rends très vite compte, sont quasi indissociables.

“Je fais de la musique à plein temps. Je me réveille en musique, je dors en musique…” Murvin a l’impression que la musique a toujours fait partie de lui. Il faut dire qu’il a grandi entouré de musiciens, avec des voix telles celles de Mr Snype ou Nesty Jhany dans sa famille. Leur musique, ajoutée à celle d’artistes internationaux de la dimension de Bob Marley ou de Morgan Heritage, nourrissent sa passion et l’encourage à suivre cette voie.

Dès l’âge de douze ans, il met lui aussi la main à la pâte et se lance dans la musique en autodidacte. La meilleure école, celle qu’il choisit, c’est celle du “koltar”. Ensuite, il passe trois ans au conservatoire de musique François Mitterrand pour un apprentissage plus technique. A présent, il poursuit sa passion au sein du groupe The Prophecy, où il tient le rôle de parolier, de chanteur et de musicien – Murvin joue de la guitare, acoustique et électrique, et de la batterie – et aussi dans son studio, ROW Factory, où il exerce le métier d’arrangeur musical.

La plus grande source d’inspiration de Murvin Clélie pour composer, c’est l’amour, “la base de toute chose”, selon ses dires. Musicien avant d’être chanteur, ce sont les mélodies qui le poussent à écrire. Et comme ces dernières sont, pour lui, illimitées, l’inspiration lui vient facilement à n’importe quel moment. Il aime toucher à tous les thèmes, parler de ce qui l’entoure ; des fléaux, des choses de la vie… Bercé par le reggae jamaïcain depuis son enfance, Murvin est fasciné par le rastafarisme et s’exprime mieux à travers le reggae et le seggae.

Patriote dans l’âme

Murvin me parle de ses rêves et de ses envies : diminuer la souffrance, mieux vivre ensemble, emmener Maurice à l’international quelle que soit notre discipline, emmener “son petit grain de sable” dans ce monde immense. Pour se faire, “nous avons besoin du coup de main de tout un chacun. Quel Mauricien ne veut pas voir son pays briller ?”

Et la célébrité dans tout ça ? Vient-elle cultiver ou au contraire parasiter ses idéologies ? Murvin dit ne pas se laisser influencer par tout ça, même si ses récents succès l’ont contraint à protéger davantage sa vie privée. Son quotidien, lui, n’a pas été bouleversé. “La seule différence, c’est que les gens écoutent et comprennent désormais les messages que je véhicule à travers mes morceaux.” Et le patriote refait surface pour évoquer les valeurs culturelles qu’il essaie de mettre en avant dans ses chansons. Il dit être fier lorsque les jeunes font de lui une idole, “parce qu’ils ont cru en la jeunesse”.

Aujourd’hui, ce que Murvin veut par-dessus tout, c’est enchaîner les tournées et faire briller le seggae partout dans le monde. D’ailleurs, une de ses plus grandes fiertés est que “Laglwar”, un titre de seggae, ait été sacré Disque de l’Année en 2018. “Je remercie Kaya de nous avoir donné le seggae et j’espère arriver à continuer son combat.” Une note amère se glisse dans notre conversation alors qu’il se remémore les critiques qui ont accompagné cette victoire : “Il ne faut pas qu’il y ait des désaccords entre artistes. Nous sommes jeunes, certes, beaucoup ont fait de grandes choses avant nous. Mais plutôt que de critiquer, il faudrait qu’on puisse s’unir, dans l’intérêt supérieur de l’art mauricien.”

Cela fait maintenant une dizaine d’années depuis que Murvin est rentré de plain-pied dans la musique, et cinq ans depuis qu’il fait partie du circuit musical mauricien. Le secret pour réussir dans cette voie selon lui c’est l’humilité ! “Rester humble, être exigeant envers soi-même, avoir la capacité de faire des choix. Ne surtout pas être orgueilleux !…” Et puis il y a sa foi, son guide, qui ressort dans bon nombre de ses compositions. Cela ne veut pas dire qu’il ne doute jamais de lui : “Quand tu décides de faire de grandes choses, tu dois t’attendre à ce que tout ce qui y sera attaché sera grand, les récompenses comme les risques…” Voilà qui est dit.