Rahul Ramburn & Zeid Ramtoola

Message in a bottle !

C’est l’histoire de deux amis d’enfance, Rahul Ramburn et Zeid Ramtoola, à peine trentenaires, qui souhaitaient monter ensemble un projet qui aurait du sens pour leur pays. Le bien-être environnemental leur est alors apparu comme une base de départ dans leurs premières réflexions. Ensemble, ils font un premier constat : les bouteilles en plastique polluent Maurice ! Leur vient alors l’idée d’ouvrir une fabrique de flacons biodégradable avec pour objectif de contribuer, à leur façon, à éradiquer chez nous cette nuisance qu’est le plastique. Les bouteilles d’eau be.eau, commercialisées depuis un an, sont exclusivement composées de matières végétales, notamment la bagasse de canne à sucre, qui est 100% compostable. Nous avons rencontré Rahul et Zeid pour qu’ils nous parlent de leur association et de leur projet.

Texte & Photos | Florence GUILLEMAIN

PEOPLE : On commence par le commencement. Racontez-nous quand et comment vous êtes-vous rencontrés ?

ZEID : Ah, vieille histoire. C’était sur les bancs du Lycée Labourdonnais. Nous avions cinq ans…

RAHUL : Mais non, six ans ! (Rires). Nous avons fait ensemble toute notre scolarité et si nous sommes restés amis, c’est un peu parce que nous avons tous les deux un caractère jovial, mais aussi à cause de notre passion pour le football. Moi je supporte Manchester United et lui Liverpool… Nous avons par ailleurs le même humour. Après nos années au lycée, chacun a poursuivi sa route de son côté. Lui a étudié l’économie en Angleterre et moi l’hôtellerie en France.

PEOPLE : A quel moment vous est venue l’idée de créer be.eau ?

ZEID : Nous nous sommes retrouvés à Maurice après nos études. Nous avons d’abord travaillé chacun de notre côté, histoire d’acquérir une certaine expérience ; moi dans la compagnie de distribution familiale et Rahul pour le compte de quelques grands hôtels de l’île. Puis nous avons eu envie de travailler ensemble…

RAHUL : Nous n’avions, à ce moment-là, rien de concret en tête, mais nous voulions monter un projet qui aurait du sens, pas juste un simple business pour se faire de l’argent. A chacune de nos rencontres, une question revenait sans cesse : comment, à travers un projet entrepreneurial, pouvait-on contribuer à améliorer Maurice ?

ZEID : Dans l’hôtellerie, Rahul était exposé à la pollution plastique au quotidien et moi, dans la grande distribution, je n’ai pas tardé à comprendre les habitudes de consommation des Mauriciens…

RAHUL : La pollution plastique est apparue comme une évidence…. On a vite choisi de s’attaquer à ce problème. C’est ainsi qu’est né le pourquoi de ce que nous faisons aujourd’hui.

ZEID : Notre première création a été une bouteille d’eau 100% compostable et biodégradable, issue de matières végétales. Nous avons opté pour le nom franglais be.eau ; facile à comprendre pour tous. Nous avons établi notre projet en deux phases : “water by be.eau” visait à commercialiser une marque d’eau sur le marché et “bottles by be.eau” consistait à lancer une usine de fabrication de récipients biodégradables à grande échelle, pour différents embouteilleurs et industriels. C’est une des premières usines au monde à fabriquer des bouteilles avec du végétal.

PEOPLE : Avez-vous été surpris par l’engouement pour vos produits ?

RAHUL : Après avoir lancé “water by be.eau” en octobre 2020, nous avons effectivement été touchés par la réaction des consommateurs. Certains industriels et les autorités étaient désireux de sauter le pas vers le “zéro plastique.” Nous avons eu de très bons retours sur les réseaux sociaux où on nous posait mille questions. Certains internautes qui adhéraient au projet ont même fait des stories avec notre bouteille d’eau. Il n’y avait pas meilleure publicité.

ZEID : Nous avons été heureux de constater que les consommateurs avaient la même vision que nous et qu’ils étaient désormais des consom-acteurs.

RAHUL : Maurice va vers un changement positif quoiqu’on dise. Nous sommes très optimistes pour l’avenir et l’évolution écologique de notre île.

PEOPLE : Vous avez désormais votre usine à Maurice. Comment ça se passe ?

RAHUL : Elle a vu le jour en février. C’était compliqué d’ouvrir l’usine à cause de la pandémie, mais tout c’est heureusement bien passé. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos clients, comme le Domaine de Labourdonnais et le groupe hôtelier Beachcomber. C’est très stimulant. Nous apprenons chaque jour et nous espérons intégrer d’autres matières organiques disponibles à Maurice, comme le lin ou les noyaux d’avocat. Il faut encore tester, mais on y arrivera.

PEOPLE : Quelle est votre vision d’un pays durable ?

ZEID : Le concept d’île durable englobe de nombreux éléments. Les choses évolueront progressivement. Tout ne peut se faire du jour au lendemain.

RAHUL : Il est essentiel que tous les secteurs d’activités minimisent leurs déchets. Nous l’avons fait à notre niveau. Appliqué par tous, l’impact sur le pays serait énorme. Nous avons la chance, à Maurice, de disposer de beaucoup de ressources naturelles, comme le solaire, de plus en plus répandue. Il y a un réel potentiel à exploiter nos déchets en tant que matières premières. Nos bouteilles, fabriquées avec de la bagasse transformables en compost, est un exemple parlant. Il faut changer nos habitudes pour aller vers une consommation plus verte. Les Mauriciens en sont de plus en plus conscients et c’est déjà un grand pas. C’est formidable de voir autant d’initiatives venant d’ONG, d’entreprises, d’écoles et même des autorités pour sensibiliser les gens, notamment la jeune génération.

PEOPLE : On peut savoir qui fait quoi à Be.eau ?

ZEID : Nous sommes une jeune entreprise avec de grandes ambitions. On se retrouve parfois dans des situations où il faut toucher à tout. Cependant, pour être efficaces et productifs, nous nous sommes assurés de séparer les tâches dès le départ.

RAHUL : Zeid s’occupe plutôt des aspects financier, comptable et logistique et moi je gère le quotidien de “water by be.eau” et “bottles by be.eau”, la relation client et le marketing.

ZEID : Nous assurons ensemble le développement commercial de l’entreprise, nous cherchons de nouvelles idées et essayons de nous associer à des initiatives écologiques. A l’usine, nous avons également un chef des opérations et un chef de production. L’équipe travaille avec le même état d’esprit, dans une confiance mutuelle.   

PEOPLE : Qui de vous deux est le plus businessman dans l’âme ?

ZEID : En réalité, nous sommes complémentaires. C’est difficile de tout faire seul. C’est mieux d’être une équipe soudée et de partager les mêmes valeurs. On s’accroche l’un à l’autre pour augmenter le potentiel de notre jeune start-up.

RAHUL : Lorsqu’un obstacle se dresse sur notre chemin, on fait face ensemble. Il est rassurant de pouvoir compter sur ses collègues pour avancer, relever les difficultés et garder les bases solides. Cela n’empêche pas qu’on ait chacun des tâches et responsabilités à assumer.

PEOPLE : Considérez-vous que l’évolution de l’entreprise a été rapide ?

RAHUL : Pour “water by be.eau” c’est allé vite. Le premier produit a été la bouteille d’eau, que l’on trouve aujourd’hui dans tous les supermarchés. “bottles by be.eau”, de son côté, a récemment commencé à produire des bouteilles de jus, de cocktails et de rhums pour le Domaine de Labourdonnais. Nous fournissons également d’autres entreprises. Nos clients avaient tous envie d’innover et de devenir plus éco-responsables.

ZEID : Mais nous avons encore beaucoup à faire…

PEOPLE : Quels sont vos prochains projets ?

ZEID : Pour le moment, nous souhaitons surtout consolider nos acquis. Avec “bottles by be.eau”, nous espérons pouvoir, à l’avenir, travailler avec d’autres embouteilleurs et fabricants. Chaque demande est intéressante, qu’elle soit grande ou petite, ou qu’elle émane de particuliers ou d’industriels. Pour rester dans le terme d’une île durable, nous lançons bientôt “compost by be.eau”. Le compostage de nos produits est très important pour nous.