Dr Vasantrao Gujadhur

Le médecin du peuple

Médecin généraliste respecté, diplômé de santé communautaire et de santé publique, le Dr Vasantrao Gujadhur a été au-devant de toutes les scènes et relayé par tous les médias à partir de mars 2020 et l’avènement de la Covid-19. Pour beaucoup de compatriotes, il fait désormais partie de la famille. C’est le visage et la voix que tout le monde recherchait au plus fort de la pandémie. Parce que lui, contrairement à d’autres, sait expliquer les choses comme il faut. Avec ce bon vieux Dr Gujadhur, on ne fait jamais de détour inutile. Il assène ses vérités parfois crûment, dans un langage de proximité que tout le monde reconnait. Alors oui, c’est un peu le médecin de tous les Mauriciens. Celui avec lequel on a traversé deux ans de crise sanitaire. Avocat pour une plus grande transparence et la diffusion d’informations précises de la part des autorités quant aux dégâts réels de cette maladie, le Dr Gujadhur est aujourd’hui à la retraite. Mais il n’hésite pas à monter au créneau quand il l’estime nécessaire. Quitte, parfois, à déranger et froisser les autorités qu’il a pourtant servies pendant des années. 

Texte : Mireille MARTIN | Photos : Brady GOORAPPA

Soins et services. Deux mots qui siéent comme un gant à un homme qui a dédié sa vie au chevet des autres. Solide de son serment d’Hippocrate et d’une carrière de plus de trois décennies au sein de la fonction publique, le Dr Vasantrao Gujadhur est de ceux qui connaissent la valeur d’une vie. Et quand nous le rencontrons dans la maison familiale de ses parents à Brisée-Verdière, l’homme ne chôme pas : il reçoit appel sur appel, souvent de personnes qui lui demandent des conseils médicaux. Et il les dispense gratuitement et de manière spontanée. Parce que c’est dans sa nature d’aider, de conseiller, de soigner.

Connu à travers tout le pays depuis deux ans pour son combat contre la Covid-19, le Dr Vasantrao Gujadhur n’en est pourtant pas à sa première épidémie. “Le H1N1, la rougeole, la dengue sont des épidémies que mon équipe et moi avons dû affronter quand elles ont fait surface à Maurice”, se souvient notre interlocuteur. Un travail de stratège et de discipline, le plus souvent à l’ombre des regards, et où le suivi et la maintenance du respect des normes jouent un rôle clef. Les résultats sont probants puisque toutes ces maladies sont aujourd’hui contrôlées à Maurice.

Fils d’un père chauffeur de camion au ministère des Travaux, planteur de cannes à ses heures, et d’une mère femme au foyer, Vasantrao Gujadhur est issu d’un milieu modeste et ne s’en cache pas. Né à Bon-Accueil en 1956, il est l’aîné d’une fratrie de trois.

Le sens de la responsabilité et du devoir se distinguent très tôt chez lui. “J’ai étudié les sciences au collège Royal de Curepipe après avoir fréquenté l’école primaire catholique de mon village, Bon Accueil RCA. Au milieu des années 70, suite au boom sucrier, mon père Deoparsad a obtenu une petite somme d’argent non négligeable, ce qui m’a permis de poursuivre des études supérieures universitaires à l’étranger”, raconte Vasantrao.

Son choix se porte sur la médecine parce que, dit-il, c’est un “métier stable qui offre des perspectives.” Il étudiera pendant six ans à Poona en Inde. Des années qui, pour lui, seront difficiles car “tout était très différent pour moi là-bas et j’ai dû m’adapter.” Il ajoute : “Je me sentais un peu isolé. Les moyens technologiques n’étaient pas aussi développés qu’aujourd’hui. Je ne recevais des lettres que tous les trois mois. Mais je devais m’accrocher parce que j’étais l’espoir de toute ma famille et j’en étais conscient.”

De retour au pays au début des années 80, Vasantrao Gujadhur ouvre un cabinet médical privé. “En ce temps-là, beaucoup de personnes ne pouvaient se payer les services d’un médecin du privé. C’est essentiellement pour gagner ma vie et m’assurer une stabilité de revenus que j’ai intégré, en 1985, le département de la santé publique. Le salaire était faible, mais régulier”, témoigne-t-il avec cette franchise qui le caractérise. Au sein du ministère de la Santé, Vasantrao Gujadhur s’épanouit, réussissant à conjuguer sa passion de servir les autres tout en assumant ses responsabilités de grand frère et de fils aîné à la maison.

Monsieur Covid

Pendant les années qui suivirent, l’homme allait acquérir beaucoup d’expérience de pratique, étant affecté, puis placé à la tête de plusieurs centres communautaires du nord du pays. “J’ai toujours aimé la santé communautaire. Dans ces régions reculées, j’ai très vite compris que pour traiter un patient, il était aussi important de connaître sa vie. Car maintes fois les symptômes d’une pathologie peuvent avoir une origine familiale, sociale, psychologique, etc.” Pour lui, “80% de la population des malades est traitable si elle bénéficie de l’encadrement qu’il faut.”

Alors que, parallèlement, il gravit les échelons de sa carrière pour devenir directeur de l’hôpital Jeetoo en 2014 puis “Acting Regional Public Health Superintendant” avant d’assumer pleinement ce poste à partir de 2016, cet homme de famille, père d’un fils et d’une fille qui étudient respectivement la finance et la médecine, ne se repose pas sur ses lauriers. Pour lui, la conscientisation de la population par rapport aux maladies qui l’affectent est essentielle. “Il est important de faire comprendre aux gens le plus tôt possible qu’ils doivent prendre soin de leur santé”, insiste-t-il. “La vie va tellement vite de nos jours que beaucoup de gens sont victimes de la malbouffe qui entraîne toutes sortes de maladies, à commencer par le diabète et l’hypertension. Sans parler de toutes ces nouvelles maladies qui font surface.”

Quand la Covid-19 débarque à Maurice, c’est le Dr Vasantrao Gujadhur qui a la responsabilité du dossier. “Nous avions commencé à surveiller, dès janvier 2020, ce qu’on appelait alors le virus de Wuhan. Et un jour avant que la pandémie ne se déclare, j’avais mis six passagers en provenance de cette ville chinoise en quarantaine à l’hôpital de Souillac”, se souvient l’ancien directeur de la Santé. Pour lui, ce sont les strictes mesures alors mises en place qui ont permis au pays de maitriser avec efficacité la première vague.

Le Dr Gujadhur, aujourd’hui à la retraite, regrette que des défaillances au niveau de la surveillance et du protocole de quarantaine ont ensuite favorisé la recrudescence de la maladie sous la forme d’une deuxième vague. Tout en reconnaissant que la présence de la Covid-19 chez nous est inévitable, il soutient qu’un meilleur suivi et une plus grande transparence pourraient permettre de mieux maîtriser la pandémie à l’intérieur de nos frontières. “Les autorités auraient dû dire clairement à la population ce qui se passe et leur donner les moyens de pouvoir faire face à la maladie”, déclare-t-il.

Et d’affirmer qu’au vu du nombre croissant de cas avérés quotidiennement, le suivi à domicile des patients positifs est aujourd’hui devenu plus important que d’instaurer des centres de quarantaine. “Nous n’avons pas les infrastructures nécessaires pour placer en quarantaine tous les patients testés positifs. Ce qu’il faudrait faire c’est de s’assurer que les malades s’isolent à domicile et qu’on assure leur suivi afin qu’ils ne se sentent pas complètement abandonnés sans aucune information pouvant les aider.”

C’est d’ailleurs sur un tel projet qu’il travaille actuellement. Car pour Vasantrao Gujadhur, la retraite n’est pas synonyme de farniente. “Je reçois quotidiennement en moyenne dix appels de personnes infectées qui ne savent pas quelles mesures prendre après qu’elles aient été testées positives. Les sites d’appels d’urgence et de renseignements du ministère de la Santé sont débordés. Je voudrais mettre en place un système informatisé qui pourrait permettre aux citoyens d’avoir accès à tous les renseignements et services dont ils pourraient avoir besoin.”

Un projet certes ambitieux mais qui ne lui fait pas peur. Car, après tout, soigner les autres c’est son métier, sa mission, sa passion, son amour. Et amour un jour…