Pamela Patten
The voice !
Elle a marqué une génération entière de Mauriciens. Celle qui a grandi au rythme de l’ancienne MBC, radio et télévision exclusives d’une île à l’époque pas encore libérée. Pamela Patten n’est plus à présenter. Plus de quarante années ont passé depuis que sa voix et son visage sont entrés dans nos foyers. Il y a eu des hauts et des bas, mais sa carrière, dans l’ensemble, a été suffisamment exceptionnelle pour lui valoir d’être élevée par la France au rang de Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques pour la promotion de la langue française. Malgré l’âge qui avance, Pamela n’est pas prête de lâcher le micro. Du lundi au vendredi, elle anime une émission santé matinale sur les ondes de Top FM. Toujours motivée par l’amour et par la passion.
Entretien réalisé par Mireille MARTIN
Photos : Brady GOORAPPA
> Après plus de quarante ans de métier, n’avez-vous jamais songé à raccrocher ?
Jamais ! Mon métier est une passion. Il m’a permis de rencontrer de nombreuses personnes de tous les milieux et de vivre des événements extraordinaires qui m’ont marquée. Faire de la radio, puis de la télévision, a été une opportunité et a forgé mon caractère. Saviez-vous que je devais, au départ, me faire avocate ? Le destin en a décidé autrement. Je n’aurais pas été la femme que je suis devenue si je n’avais pas suivi ma voie.
> Parlez-nous de votre jeunesse Pamela…
J’ai grandi au sein d’une famille très unie, à La Marie, Vacoas. Nous avions une bonne vie, nous étions unis. Chez nous, il y avait toujours du monde. J’ai eu la chance d’être très entourée. Mon père, Ramen, était fonctionnaire au ministère des Travaux et s’occupait de la distribution d’eau dans les hautes Plaines-Wilhems. Ma mère, Diva, était femme au foyer. A la fin des années 70, je suis partie en Angleterre pour des études de langues. Puis, j’ai été secrétaire bilingue au service français de la BBC à Londres, un travail qui me plaisait bien.
> Pourquoi, dans ce cas, être revenue à Maurice ?
Croyez-le ou pas, tout s’est fait un peu par hasard. J’étais en vacances à Maurice en 1977 quand, pour m’amuser, j’ai écrit à Jean-Roland Delaître, alors directeur de la Mauritius Broadcasting Corporation, pour lui proposer mes services. Il m’a proposé un test de voix et a voulu m’embaucher sur le champ. Evidemment, je ne pouvais accepter son offre car j’étais sous contrat à la BBC. Mais, une fois revenue en Angleterre, j’ai eu des doutes, je me disais que c’était peut-être une opportunité à saisir… Et comme j’étais très attachée à ma famille, il ne m’a pas fallu un mois pour plier bagages et rentrer au pays.
> Qu’avez-vous ressenti quand on vous a licencié de la MBC après quarante ans de carrière ?
Pour tout vous dire, je pense que cette décision était radicale et injuste. Sur le coup, je me suis sentie blessée, meurtrie et démunie… La MBC, c’était mon monde, ma famille. Mais, heureusement, je ne perds pas mon temps à ressasser les choses. Je me suis vite reprise en main et j’ai retrouvé un emploi, le monde des médias s’étant entretemps élargi avec l’avènement des radios privées. Plusieurs radios ont essayé de me recruter, mais Top FM a été plus rapide et plus convaincante que les autres. J’ai accepté son offre. C’est un choix que je ne regrette pas du tout parce que je m’y épanouis. La MBC fait maintenant partie de mon passé.
> Après toutes ces années, la manière de faire de la radio ou de la télévision a définitivement changé. Mais y a-t-il quelque chose qui perdure ?
A mes débuts, les animatrices, comme on nous appelait, devaient savoir tout faire. Animer les émissions, présenter le journal, combiner radio et télévision… Aujourd’hui, chacun a son secteur. La plupart du temps, ce sont les journalistes qui couvrent l’actualité, et les animateurs radio ne font pas de la télévision et vice versa. Mais, pour moi, ce qui n’a pas changé, c’est l’amour que vous portent les auditeurs. Après toutes ces années, je les retrouve chaque jour avec le même plaisir et je dois dire qu’ils me le rendent bien.
> A travers votre émission, vous évoquez divers sujets de santé public. Comment vivez-vous l’avènement Covid-19 ?
La première fois, je n’avais pas tout de suite réalisé la gravité et l’ampleur de la pandémie. Etant considérée personne à risque, je m’étais auto-confinée chez moi. Ma fille me déposait à manger devant la porte. Nous n’avions aucun contact physique. Cela a été très dur mais, dans des moments pareils, il faut prendre en compte sa propre sécurité et assurer celle des autres. Dans mon métier, je rencontre beaucoup de gens chaque jour. Préserver la santé de ceux que j’aime et la mienne est une priorité.
> Aujourd’hui qu’est-ce qui a changé ?
Le vaccin est là, mais la maladie fait toujours aussi peur et le problème est loin d’être réglé. Cela dit, cette crise sanitaire a apporté du bon dans plusieurs familles. Certaines se sont retrouvées et sont devenues plus soudées. La pandémie a aussi provoqué un changement dans la manière de vivre de certains Mauriciens. D’un autre côté, la montée de l’agressivité dans la société m’inquiète. Quand je lis les journaux, certaines nouvelles me donnent des frissons. Je trouve effrayant toutes ces attaques physiques et verbales, cette banalisation de la violence à Maurice. Surtout de la part de jeunes vis-à-vis de leurs aînés.
> Pensez-vous que l’on puisse y remédier ?
Il faudrait d’abord apprendre à communiquer. Le dialogue peut résoudre de nombreux conflits. Mais encore faut-il que les deux parties soient prêtes à s’entendre.
> Y a-t-il une qualité que vous valorisez le plus ?
Il y en a deux : le courage et l’écoute. J’ai une grande admiration pour les femmes qui vivent seules, qu’elles soient veuves, divorcées ou indépendantes. Elles mènent leur vie avec assurance et se débrouillent pour rester positives. Dans un monde aussi incertain que le nôtre, cela demande un grand courage. Et qui dit courage, dit aussi toutes ces personnes handicapées que je côtoie souvent à l’antenne. C’est dans ces moments-là que je réalise à quel point l’écoute de l’autre est importante. Une personne qui a un problème peut se sentir soulagée rien qu’en ayant le sentiment d’être écoutée. La qualité de l’écoute apporte un grand réconfort.
> A vous entendre, on a l’impression que vous n’arrêtez jamais de travailler !
C’est vrai que mon métier prend beaucoup de mon temps, mais j’aime ça. Cela dit, je me conserve quand même des moments de loisirs. J’aime beaucoup marcher sur la plage de Flic-en-Flac, où j’habite. Je le faisais tous les jours jusqu’à récemment. Je fais aussi pas mal de yoga et de zumba. Et puis, j’ai un petit cercle d’amis sincères que je fréquente de temps en temps. Les amis, c’est important. Ce sont des gens sur qui je sais que je peux compter.
Je me consacre également à ma famille. Le décès récent de ma mère, de qui j’étais très proche, m’a particulièrement affectée. Je me reconstruis petit à petit. Je réalise que la vie est courte et qu’on ne dit pas assez aux personnes qui comptent à quel point ils sont importants et combien on les aime. C’est pourquoi je fais de mon mieux pour profiter au maximum de ceux que j’aime : ma fille Sabrina, ma petite-fille Aanya, mes amis…