Nadeem Mosafeer

Au nom du père !

Nadeem Mosafeer dirige le groupe Gibson & Hills, qui regroupe sept enseignes opérant dans différents secteurs de l’économie mauricienne, notamment la création d’entreprises, le recrutement, la gestion des ressources humaines, l’expatriation ou encore le développement informatique, entre autres. A 46 ans, il a tout pour être heureux. Tout sauf son père, le socle de sa vie, et dont l’absence le pèse. A plusieurs reprises, il évoque son souvenir. Comme un besoin de reconnecter à la source primaire.

Texte et photos : Jean-François LECKNING

SA DEVISE. Vouloir, c’est pouvoir ! Ce fut le premier enseignement philosophique de mon père, Hassam. Il me l’a démontré de son vivant, lui qui était enseignant dans une école primaire de Plaine-des-Papayes et qui, à force de persévérance, a permis à des élèves qui ne parlaient que le bojpuri, même pas le créole, d’être admis quelques années plus tard dans les plus prestigieuses institutions secondaires du pays. Il voulait le faire, il l’a fait.

SA MÉTHODE. Optimiser les outils à ma disposition; notamment les outils de planning informatiques et de collaboration en ligne. Je mise par ailleurs sur une relation très humaine et terre-à-terre avec tout le monde : mes collaborateurs, mes clients, les autorités… Je travaille beaucoup à distance, parce que j’ai besoin de faire le vide autour de moi pour trouver mon inspiration.

SA VALEUR. Mériter chaque centime que mes clients me paient. Privilégier l’humain avant tout, même dans des moments de forte pression.

SA FORCE. Persévérance, résilience et concentration sur les objectifs à long terme. Mais aussi une foi inébranlable en la force supérieure divine. Dans ma vie, j’ai eu pas mal d’accidents de parcours, sans doute parce que j’ai un gout prononcé pour les risques. Mais j’ai su rester focalisé sur l’objectif à long terme et j’ai ainsi pu mettre en place, à travers la structure Gibson & Hills, plusieurs entreprises opérant dans divers secteurs d’activités et dont la pérennité est assuré.

SA FAIBLESSE. Je suis trop émotionnel; trop sensible aux événements et aux ressentis des autres… Je n’aime pas les relations tendues. Quand c’est comme ça, je préfère m’effacer, disparaitre… Quand l’adversité se manifeste, l’impact sur mon moral est immédiat ; je me sens paralysé, je deviens ingérable pour les autres. Je suis alors obligé de me retirer dans ma cave mentale. Je vous rassure, je retrouve très vite mes esprits.

SA FIERTÉMon parcours atypique. J’ai aujourd’hui un bureau au cœur de la Cyber cité, moi l’enfant de Plaine-des-Papayes qui fut souvent l’objet de moqueries au collège La Confiance. A l’époque, il y avait une vraie démarcation entre les villes et les villages. J’en ai souffert, c’était cruel. Je me suis réfugié dans le sport. Je suis bien sûr fier de ma famille, et fier de ma qualité d’écriture. Chaque compliment que je reçois est un clin d’œil au travail de mon père.

SON RÊVE. Une vraie démocratisation de l’économie avec la valorisation des initiatives entrepreneuriales des jeunes. On a un vrai problème à ce niveau. En tant que créateur d’entreprises, je vois pas mal d’idées brillantes passer devant moi, mais ces jeunes n’arrivent pas à se vendre. Ils n’ont pas accès au marché.

Je collabore en ce moment avec un jeune qui a travaillé sur un projet de digitalisation des documents. Un projet d’intérêt national, je dirais. Mais, le pauvre, il ne sait pas quelle porte frapper ! Il y a pourtant, ici, plein de départements gouvernementaux qui auraient profité grandement de ses compétences : les archives, les hôpitaux, le judiciaire… Mais il ne sait pas à qui s’adresser. Il finira par aller vendre son projet au privé, ou à des investisseurs étrangers, alors que c’est l’État qui a davantage besoin de ses compétences.

SON REGRET. Un seul, celui de n’avoir pas assez exprimé mon amour à mon papa. Il n’était pas affable, moi non plus. Il suffisait d’un regard pour qu’on se comprenne. Mais j’aurais voulu pouvoir revenir en arrière pour lui dire combien je l’aimais. Je le lui dis tous les jours maintenant, sauf qu’il n’est plus là.

SON DÉFI. Accomplir mes rêves de gosse, surtout ceux qui me paraissaient inaccessibles. En ce moment, je m’exerce à l’écriture arabe, qui était une vraie torture pour moi quand j’étais enfant. Je le fais pour me libérer de cette perception.

SON BRAS DROIT. Dieu, évidemment, mais aussi mon épouse, Adilla. Ça fait 20 ans qu’on est mariés. On s’est connu grâce à une erreur d’adresse e-mail. Au début, on n’avait rien… Ni bien matériel, ni repères spirituels. Dans les moments difficiles, quand je suis accablé, c’est elle qui me conseille, qui me guide. Elle a tenu bon, elle est resté là…

SON INSPIRATIONMon papa, évidemment.

SON MENTOR. J’en ai eu plusieurs. Ceux qui m’ont le plus marqué sont Wilfrid Koon et Jaye Jingree chez KPMG, où j’ai commencé à l’âge de 18 ans. Il y a eu aussi Clensy Appavoo.

UN OBJET FÉTICHE. Une petite agrafeuse que j’avais acheté à mes débuts. A l’époque, je ne pouvais même pas me payer une agrafeuse normale. J’aime bien me rappeler d’où je viens.

DANS DIX ANS. Si Dieu le veut, je serai toujours en train de créer des entreprises. En tout cas, je n’ai pas prévu de retraite professionnelle. Je vais mourir actif.