Amita Astrid Hurdial

“Vivre ses rêves, ça n’a pas de prix !”

Elle a connu la pauvreté et a souffert d’être abandonnée par son père. Aujourd’hui, Amita Astrid Hurdial a pris sa revanche sur la vie. Si tout se passe comme prévu, elle sera bientôt avouée. Ce serait le couronnement de beaucoup d’efforts.

Texte : Axelle GAILLARD – Photos : Brady GOORAPPA

La douceur du moment fait presque oublier la chaleur implacable de la capitale à midi. Amita Astrid Hurdial, 38 ans, nous parle de sa vie. A l’ombre, dans un coin du jardin de la cathédrale Saint-James, nous faisons connaissance. Entre empathie et regards bienveillants, cette sudiste nous confie son ressenti sur son parcours de vie. Un parcours qui a forgé sa personnalité et lui a donné la détermination nécessaire pour se construire. Astrid est le genre de personnes qui sait donner de son temps. Son sourire vous enveloppe. Le courant passe très vite.

Mahébourgeoise de naissance, elle habite Britannia depuis son mariage avec Rudley en 2008. Elle dit aimer sa maison, mais surtout son jardin, où gambadent leurs six chiens et où elle peut profiter sereinement de la nature et de l’instant présent et apaisant.

Astrid travaillait dans le département comptable d’une entreprise portlouisienne depuis une dizaine d’années, quand, en 2011, elle a décidé de se lancer dans des études de droit. “Certes, ce n’était pas évident de quitter ma zone de confort, de reprendre mes études et de me lancer vers l’inconnu. Mais je me suis accrochée !” En 2015, elle a décroché son LLB (Hons) et est devenue major de sa promotion. Elle détient également une maitrise en droit financier et commercial, de l’université du Lancashire central.

“Rudley, mon époux, a toujours cru en moi, même quand moi je n’y croyais plus. Il a été d’un grand soutien”, témoigne la jeune femme, qui a fait la première partie de son pupillage d’avouée chez maître Ravi Ramdewar avant de le poursuivre au bureau de l’Attorney General. “Je ne regrette pas d’avoir pris un nouveau départ, fait un autre choix de carrière. Au contraire, je suis comblée ! Si je ne m’étais pas risquée, peut-être qu’aujourd’hui j’aurais occupé des fonctions importantes, j’aurais eu un meilleur salaire, une voiture… Qui sait ? Mais vivre ses rêves ça n’a pas de prix. Il faut faire des sacrifices.”

L’humilité d’Astrid lui vient de son éducation. Elle a été élevée par une maman aimante, humble et honnête, qui n’a jamais baissé les bras. “Je me souviens d’une anecdote qui m’a beaucoup marquée. Nous étions très pauvres, papa nous avait abandonnés et maman nous élevait seule. Un jour de 1987, elle a ramassé un porte-monnaie qui contenait beaucoup d’argent. Elle aurait pu se laisser tenter, surtout qu’elle avait beaucoup de mal à joindre les deux bouts à l’époque. Au lieu de ça, elle a tout fait pour retrouver son propriétaire. Ce jour-là, j’ai compris que le fait d’être honnête nous rend plus riches”, témoigne la jeune femme.

Au quotidien

La maman d’Astrid est décédée il y a trois ans. Elle ressent toujours sa présence et puise sa force dans l’enseignement de cette femme-courage qui lui disait de ne jamais abandonner face aux épreuves du quotidien. “Elle disait souvent : « Tan ki to lipie ek to lamin bon, to pa mizer ».” Cette maman digne lui a aussi parlé de la place de la femme dans la société. “Ma maman me manque chaque jour…”

Ce qu’Astrid souhaite dans son nouveau métier, c’est de pouvoir comprendre les personnes en difficulté, être à l’écoute de leurs besoins et pouvoir défendre les causes justes. “C’est déjà cela avoir un salaire.”

Cette empathie semble innée car Astrid est aussi guidée par ses convictions religieuses. “J’ai reçu l’appel de Dieu, de Jésus et je prie Fatima chaque jour. Je suis hindoue de naissance, mais j’ai toujours été attirée par la religion catholique. J’ai reçu le baptême en 2008. Et c’est là que ma belle-mère m’a donné mon prénom, Astrid, comme la princesse de Belgique !” Une période très importante de sa vie.

Astrid est très proche de ses beaux-parents. “Mon beau-père nous a malheureusement quittés en septembre de l’année dernière. Il me considérait comme sa fille.” Un cadeau de la vie pour cette jeune femme qui a beaucoup souffert de l’absence du père. “Un manque ressenti surtout à l’adolescence car c’était une période difficile pour moi. Maman était très protectrice et m’a sans doute protégé d’un deuxième abandon… C’est peut-être pour cela que mon époux me paterne et tente d’enlever l’amertume de cette période de ma vie.”

Après douze ans de mariage, le couple n’a pas encore d’enfants. Nous passerons outre les remarques tout aussi maladroites que bienveillantes que les couples dans cette situation entendent au quotidien… Et positiver, encore et toujours.

Astrid a des amis sincères et proches, comme Elizabeth Domah Manuel, une personne très importante dans sa vie. “Elle contribue à me faire voir la vie positivement. Elle a un enfant et m’a appris, indirectement, à donner naissance différemment, à donner l’amour de la vie”, reconnait la future avouée, pour qui l’adoption serait une autre façon de donner la vie. “Nous ne ressentons aucune barrière. Nous avons du temps pour nous deux. La décision d’adopter ou pas est importante et appartient à notre couple.”

Astrid s’est fait de nouveaux amis durant son pupillage. Parmi Thashita, Sheila, Youshirah, Vishakha, Joshna, Koomaren, Ritvik, Suhaylah, Prakrita ou encore Ranjana. “Sans le savoir, ils m’ont appris à être moi-même et m’aimer en toutes circonstances. Des rencontres sans doute organisées par celui qui veille sur moi, Dieu. Avec eux, je souris encore plus. Ce sont des amitiés sincères, qui nous lieront toute la vie. Certes, nous serons parfois des adversaires en cour, mais l’amour prime en toute relation !”