GÉRARD GUIDI
La passion d’abord !

Pionnier du tourisme de santé à Maurice, Gérard Guidi a fait du Centre de chirurgie esthétique de l’océan Indien, qu’il dirige, une référence mondiale. Le centre a attiré l’année dernière 3000 clients, pour la plupart des étrangers disposés à payer 1000 euros le billet d’avion pour venir se faire greffer les cheveux ou se refaire les dents. Italien d’origine, Français de naissance et Mauricien de cœur, Gérard Guidi est d’abord un homme de passions dont la première école de vie aura été le rugby.

Entretien et photos : Jean-François LECKNING

“Il ne peut y avoir de progrès professionnels sans progrès humains.”“
“A 14 ans, j’ai arrêté l’école, ça ne me plaisait pas. Aujourd’hui, je sais que ce n’était pas l’école le problème, mais le système.”

 

 

La réputation du Centre de chirurgie esthétique de l’océan Indien, que vous dirigez, n’est aujourd’hui plus à faire. On sort du monde entier pour venir se faire soigner chez vous. En chiffres, ça donne quoi ?

On a passé l’année dernière la barre des 3000 clients et des Rs 200 millions de chiffres d’affaires. La greffe de cheveux demeure le pilier de notre entreprenariat, puisqu’elle représente 70% de nos activités. En chirurgies esthétique et dentaire, nos deux autres pôles, le savoir-faire de nos équipes est très apprécié. On travaille avec des technologies novatrices et une approche différente. Outre les soins, on fait aussi de la formation. Des gens viennent de France, de Russie pour venir apprendre chez nous. Au total, nous employons une soixantaine de personnes, dont cinq étrangers. Nos clients sont pour la plupart des étrangers, mais il y a eu, au fil des années, un rééquilibrage. De plus en plus de Mauriciens font appel à nous.

Est-ce que vos trois pôles d’activités se marient facilement ? Ce sont quand même des services totalement différents, non ?

Graduellement, il y a une synergie qui s’est créé. Elle est importante. Le client qui, au départ, vient pour une greffe de cheveux en profite pour se refaire les dents. Son épouse, elle, se laisse parfois tenter par une liposuccion. Nos professionnels font preuve d’empathie et d’écoute. Il y a un vrai dialogue et ça rassure. Le dentiste, par exemple, il veille à utiliser un langage à la portée du client, pour que celui-ci comprenne. Il va, par exemple, comparer la bouche à une maison et expliquer qu’il ne peut poser le toit si les fondations ne sont pas solides. C’est une machine de guerre qui a été mise en place. Ce n’est pas de la dentisterie ping-pong. Je crois que les gens savent ce que nous valons. Sinon alors comment expliquer qu’autant de clients viennent nous consulter de la Réunion alors qu’il y a 380 dentistes là-bas ?

Est-ce que la concurrence s’organise ?

Ici, on est les seuls…

Je parlais de l’étranger…

Certains pays, comme la Turquie, sont réputés pour leurs offres low-cost. Aussi, j’avoue qu’il a fallu revoir nos prix à la baisse. On a aujourd’hui plus de clients, mais à moindre coût. Nous, on mise sur notre expérience, notre savoir-faire mais surtout nos valeurs ajoutées. Il y a des clients qui paient 1000 euros le billet d’avion pour venir nous voir. Cette clientèle, il faut la satisfaire.

Définissons justement le concept de valeur ajoutée. Vous misez sur quoi ?

La première des valeurs ajoutée c’est la passion. Faut être curieux, faut innover. Moi je fouille, je me renseigne tout le temps, je suis les avancées en matière de recherches. J’échange aussi avec d’autres professionnels. Nous confrontons nos idées. Mais la vraie force du centre, c’est la qualité de son personnel. On a construit, au fil du temps, une super équipe. Les filles qui sont préposées à la greffe de cheveux, elles sont douées, méticuleuses, appliquées. De véritables orfèvres. On en a fait des passionnées.

Votre stratégie marketing est, par ailleurs, de plus en plus axée sur la dimension humaine et émotionnelle. C’est voulu ?

L’étape la plus dure pour le client c’est de franchir le seuil de notre porte. Il faut donc créer la confiance. Il faut lui donner à voir des exemples qui le touchent, le motivent. Il n’y a pas meilleure communication que le témoignage de quelqu’un qui raconte son histoire.

D’où les avant-après, que vous affectionnez, et que vous avez récemment mis en livre à travers “Le Secret” ?

Je voulais montrer que c’est aussi une histoire d’hommes, pas seulement une histoire de greffes de cheveux. Certains sont sortis de chez nous complètement transformés, mieux dans leur peau, en totale confiance. Ils racontent comment leur vie a basculé après. Certains témoignages valent le détour.

Y en a-t-il un qui vous a davantage touché ?

Celui de Sébastien, que j’avais rencontré au préalable à La Réunion. Il vivait très mal sa calvitie et enroulait une longue mèche pour la cacher. Il était gêné par le regard des autres, évitait de sortir quand il ventait trop. S’il pouvait marcher avec un pot de colle pour faire tenir sa mèche, il le ferait. Il voulait être comme Cyril, un autre client dont il avait vu et revu le témoignage. Il est venu, l’intervention a été assez difficile, mais tout s’est bien passé. Cinq mois plus tard, Sébastien est revenu me trouver à Trou-aux-Biches. Il voulait à son tour témoigner. “Grâce à Cyril, j’ai eu le courage de faire le pas. Je suis un autre homme aujourd’hui. Je voudrais pouvoir, à mon tour, rendre service à quelqu’un, l’inspirer…”

On raconte que vous avez vu défiler des célébrités au centre.

Oui, il y en a eu quelques-uns, comme Philippe Lucas, l’entraineur de la nageuse Laure Manaudou. Un mec adorable, pas la grande gueule qu’on nous vend à la télé. C’est un timide au contraire…

C’est le plus célèbre ?

Non (Rires)… Y en a un ou deux qui sont très connus. Mais je ne peux rien dire.

J’ai lu votre livre, je vous écoute parler, j’ai arpenté les couloirs du centre. Je sens l’œuvre d’un passionné. C’est le moteur de votre réussite ? 

Moi, j’aime profondément les gens, j’aime le contact des autres. Et je me donne à 300% pour que mes clients soient satisfaits. Je ne veux pas trahir cette confiance. Cette approche, je l’ai transmise à mon équipe. L’empathie, ça ne s’apprend pas à l’école. C’est quelque chose qu’on transmet. Je crois que ma réussite elle est là. Aujourd’hui, je ne suis plus indispensable, l’entreprise peut marcher sans moi. Avant, j’étais là du matin au soir.

Ce centre, vous auriez pu l’avoir implanté à Madagascar, où vous avez vécu, ou à La Réunion, à cause de votre passeport français. Pourquoi Maurice ?

Quand je suis venu à Maurice pour la première fois, en prospection, j’ai tout de suite compris que c’est ici qu’il fallait être. Pour la notion des services, la qualité des hôtels, le sens de l’accueil, la gentillesse des gens. Ici, les avions arrivent de partout. Avec mon partenaire, on a loué une maison à Pointe-aux-Canonniers. J’ai tout vendu pour m’installer ici. J’ai mis tout mon argent dans le projet. On a commencé de rien. Avec trois clients. Je ne regrette rien.

Le tourisme médical a-t-il de l’avenir à Maurice ?

Je vous arrête…. Ce n’est pas approprié de parler de tourisme médical dans notre cas. Les gens qui viennent chez nous ne sont pas malades. Ils viennent pour un bien-être, pour de l’esthétisme, pour se sentir mieux dans leur peau. Le tourisme médical, c’est autre chose et l’île Maurice n’a pas les moyens de rivaliser avec la concurrence dans ce secteur. Personne ne va venir ici pour se faire opérer d’un rein. Vous allez en Inde, c’est très bon et à bien moins cher. C’est difficile pour Maurice de se positionner sur ce marché ?

Est-ce qu’après toutes ces années, il vous arrive d’avoir envie de tourner la page ?

A 68 ans, je crois que c’est le moment. J’ai envie de faire autre chose, de voyager, de découvrir. Je suis curieux. Mais je vais sans doute rester à Maurice, parce que mon cœur est ici.

Votre  premier métier était coiffeur. Vous maniez bien les ciseaux ?

Mon père l’était. J’ai donc commencé avec lui. A 14 ans, j’ai arrêté l’école parce que ça ne me plaisait pas. Aujourd’hui je sais que ce n’était pas l’école le problème, mais le système. Moi, j’ai toujours eu soif d’apprendre, soif de connaissances.

Un jour vous avez dit : J’ai connu deux grandes écoles dans ma vie ; l’école buissonnière et le rugby. Qu’est-ce que l’ovalie vous a emmené ?

Tout. C’est un sport empreint de toutes les valeurs fondamentales : le respect, la solidarité, la convivialité, la discipline, la rigueur… C’est une école de la vie. Quand vous êtes sur le terrain, vous ne pouvez pas tricher, sinon vous êtes rejeté par le groupe.

Vous avez eu un parcours remarquable en tant que joueur avec, en prime, un titre de champion de France en 1976 avec Agen. Que reste-t-il de tout ça ?

Des souvenirs. Une grande fierté. Des relations fortes et vraies. J’ai vécu des choses extraordinaires, exceptionnelles grâce au rugby. Tous les ans, avec l’équipe de 76, on se retrouve autour d’un diner. Vous vous rendez compte, je fais 11 000 kilomètres pour aller les voir mes potes !

Quel type de jouer était Gérard Guidi ?

Un joueur plutôt discret, polyvalent. J’ai joué arrière, ailier, centre… On m’appelait “Le Petit”. J’étais léger, j’allais vite. J’avais aussi l’intelligence du jeu.

Vous êtes indissociable du rugby ?

C’est inné. D’ailleurs, j’entraine toujours. Les samedis, je passe des journées entières sur le terrain avec les filles de la sélection mauricienne. C’est un régal.

Votre père est un immigré italien. Il est venu en France quand il avait cinq ans. Qu’est-ce que vous avez conservé d’Italien ?

Pas grand-chose. Je suis un bon franchouillard (Rires).