LUDOVIC PEZÉ
Un Mauricien à Monaco
Consultant en sport automobile, agent de pilotes et chef d’entreprise, Ludovic Pezé a su, au fil des années, élargir son carnet d’adresses. Pour ce jeune homme de 27 ans, né de mère mauricienne, qui prend sans complexe la pause aux côtés de Lewis Hamilton, il s’agit maintenant de surfer sur la bonne vague pour gagner en crédibilité dans un milieu où il n’est jamais facile de durer.
Texte : Yianna AMODINE
Ludovic représente, accompagne et conseille une dizaine de pilotes de renom. Le plus connu est Pascal Wehrlein, qui courait pour Sauber en F1.
Au premier coup d’œil, on pourrait penser qu’on a affaire à un jeune homme lambda, qui affiche la classe et le sourire discret qui vont souvent de pair avec la vingtaine. On est loin de se douter que, du haut de ses 27 ans, Ludovic Pezé, aux multiples origines, construit soigneusement sa réputation dans le monde du sport automobile, en Europe comme en Afrique.
Il nous parle, en toute franchise, des nombreuses casquettes qu’il porte au quotidien – toutes griffées au nom de Motors Formula Team, la société qu’il dirige. Mais aussi de son parcours personnel et professionnel, de ses valeurs, de ses passions, et de ses ambitions…
Ludovic Pezé est né dans la Principauté de Monaco, d’un père français et d’une mère mauricienne d’origine rodriguaise. Impossible pour lui, cependant, de parler de ses origines multiples sans préciser qu’il se sent plus Mauricien qu’autre chose ! “Cela se perçoit dans ma manière d’être et de réagir”, dit-il. Il grandit à Monaco où il obtient un diplôme en management après un baccalauréat professionnel en comptabilité et en gestion, avant de se lancer dans le marketing digital. A priori, rien ne le prédestinait à faire du sport automobile son métier, sauf peut-être son père…
Son intérêt pour la Formule 1 commence à se dessiner alors qu’il est adolescent. Cet univers fait de duels épiques, mais aussi de paillettes et de voyages, l’intéresse au plus haut point. Son père, qui était alors mécanicien de karting, l’initie aux circuits internationaux, notamment celui du prestigieux Grand Prix de Monaco, qui se court non loin de chez lui, mais aussi à la Formule 3, l’une des antichambres de la F1. Devenu un véritable mordu de sport automobile, il acquiert des connaissances et évolue dans un cercle d’amis tout aussi passionnés que lui. Sa préoccupation première reste, néanmoins, ses études. Jusqu’à ce qu’un événement imprévu vienne bouleverser sa vie…
Pendant ses études, il tombe en effet gravement malade. Une méningite le plonge dans le coma pendant plusieurs jours et le contraint à garder le lit quelques mois. Sa mémoire et ses capacités physiques s’en retrouvent affectées. Il lui faut un an de rééducation pour retrouver une vie à peu près normale. Ayant évité le pire, Ludovic se remet en question. “Qu’est-ce que je peux faire de cette deuxième chance que me donne la vie ?” Il décide de se lancer corps et âme dans ce qui lui plaît le plus : le sport automobile. De fil en aiguille, il établit des contacts, élargit son carnet d’adresses et fait ses preuves dans un milieu où la plupart de ses homologues ont le double de son âge, où la polyvalence est le maître mot et où une peau métissée alourdit certaines portes.
Aujourd’hui, Ludovic Pezé porte la triple casquette de consultant en sport automobile, agent de pilote et chef d’entreprise. Il représente et conseille une dizaine de pilotes de Formule 1, 2 et 3 en France, à Monaco, en Afrique du Sud et au Kenya. Parmi ceux qui l’accompagnent au quotidien, figurent les Français Andrea Pizzitola et Fabrice Pantani. Le premier compte trois participations aux 24 Heures du Mans, dont une dixième place cette année en LMP2 au volant de sa Algarve Pro Racing. Quant au second, il a pris part, cette année, à son deuxième Grand Prix Historique de Monaco, un événement très attendu en amont de la course de F1.
Double adrénaline
Dans son carnet d’adresses, on retrouve également l’Allemand Pascal Wehrlein, né de mère mauricienne, qui a notamment piloté pour l’écurie Sauber en F1. Il y aussi la Colombienne Tatiana Calderón, la première femme pilote à courir en Formule 2 et qui a aussi été réserviste en F1, toujours chez Sauber. Avant les compétitions, Ludovic travaille d’arrache-pied pour aider ses pilotes à se déplacer, à trouver des logements, des sponsors et parfois même des voitures. Discrètement, mais à sa façon, il les prépare afin qu’ils soient dans les meilleures dispositions. L’adrénaline du sportif s’ajoute alors à l’adrénaline du chef d’entreprise !
Lorsqu’on lui demande quelle est la place du sport automobile à Maurice, Ludovic Pezé ne mâche pas ses mots : “Elle est inexistante !”, nous dit-il. Il reconnaît volontiers que les médias commencent à s’y intéresser, mais déplore que les autorités ne font pas l’effort qu’il faut pour vulgariser davantage cette discipline à fort potentiel. “Il y a un réel besoin de créer des circuits, vu le nombre de rallyes illégaux et d’accidents sur les routes mauriciennes. Cela représente un budget important, certes, mais c’est un investissement à long terme qui vaut la peine. De par le monde, il y a des circuits qui tiennent depuis des siècles.”
Ludovic Pezé n’a cependant pas l’intention de se contenter de la critique. Celui qui, depuis sa tendre enfance, ne peut se passer de Maurice très longtemps, compte bien y faire bouger les choses. Il voudrait mettre en place des plateformes pour professionnaliser l’organisation et la promotion d’événements afin d’encourager les gens à investir dans ce sport et créer une image positive du sport automobile dans l’imaginaire des Mauriciens. La machine est, selon lui, en marche, “mais je ne peux en dire plus pour le moment.”
Comment Ludovic arrive-t-il donc à conjuguer la gestion de son entreprise, ses nombreux déplacements, le stress des compétitions et sa vie privée ? Pour lui, les qualités les plus importantes dans son métier sont le sens du planning et de l’organisation, la réactivité, mais aussi une très bonne capacité analytique d’ensemble pour gérer à la fois les partenaires, les pilotes, les mécaniciens et les facteurs extérieurs. Lui qui est de nature réservée a dû s’adapter et s’imposer. Il se souvient d’ailleurs de sa première victoire en 2014 : “Lorsque les gens venaient pour me féliciter, ils pensaient tomber sur mon père !”
Les choses se compliquent un peu en ce qu’il s’agit de sa vie privée. “J’ai du mal à déconnecter et mon entourage ne le comprend pas toujours.” Les filles ? Il botte en touche. “N’en parlons pas ! Je fais un métier très médiatisé où la jalousie n’a pas sa place. De plus, comme je voyage souvent et que je suis très autonome…”
Ludovic a heureusement d’autres passions que la voiture… Il trouve le temps, durant ses passages à Maurice, de faire du bénévolat, notamment au sein de l’association Will Fly : “J’aime aider les gens, discuter avec des enfants, m’appliquer à rendre l’éducation plus accessible !” Et puis, en plus du sport et des voyages, il se passionne pour l’histoire, avec un faible pour celle des pirates. Tout un programme.