DHANESH MARAYE
En attendant Godot !
A 42 ans, Dhanesh Maraye a compris que les flatteries lancées à tout va n’ont pas forcément prise sur la masse et que le rouleau compresseur de la politique active ne fait pas dans les bons sentiments. Depuis, l’ex-candidat du PMSD aux élections partielles de Quatre-Bornes, l’année dernière, a pris ses clics et ses clacs pour repartir vers un terrain qu’il maîtrise mieux : l’investissement des capitaux dans le développement durable.
(Texte : Géraldine HENNEQUIN-JOULIA – Photos : Brady GOORAPPA)
Dhanesh Maraye nous accueille sans prétention dans ses bureaux d’Ebène Junction. Le quadragénaire a certes délaissé la politique aussi vite qu’il y est entré, mais il a gardé quelques reflexes sinon un peu la rhétorique des vieux routiers en la matière. “Politics is about people not about power”, lâche-t-il. Réflexion aussi vieille que la Grèce antique si on en croit nos leçons d’Histoire.
C’est sur un ton très convivial qu’il démarre cet entretien, propose un thé. Il était convenu qu’on éclipserait son épisode politique. “D’accord pour un portrait ?”, l’avait-on interrogé au téléphone. La réponse ne s’était pas fait attendre : “Je ne veux pas parler de politique avant quelques longs mois” !
Voilà qui nous arrangeait, mais il n’a même pas été utile de tendre la perche pour une parenthèse sur la question. Dhanesh Maraye est intarissable en la matière. Il jongle habilement entre la nécessité de conquérir le terrain social et l’exercice de conquête politique. Il suffit, pour s’en convaincre, de le brancher sur un conseil qu’il donnerait à un jeune qui souhaite se lancer en politique. “Il faut d’abord s’engager dans le social pour bien mesurer les besoins sur le terrain. Il est essentiel de bien comprendre les problématiques touchant au quotidien des gens. Il faut surtout éviter d’importer les concepts tout faits venant d’ailleurs !”, dit-il. Petite tâche au passage pour les fervents admirateurs locaux du macronisme !
Pour sa part, Dhanesh exprime toute sa satisfaction d’avoir été le candidat du PMSD pour cette campagne électorale. Sa formation accélérée dans le monde de la politique lui aura, dit-il, fait comprendre “comment la politique marche de l’intérieur et qu’il n’est pas sûr que la démarche de Xavier-Luc Duval de ramener du sang neuf ait été comprise par tous au sein du parti.” Est-ce cela qui le pousse aussi à affirmer que les prochaines élections générales “ce sera sans moi” ? Dhanesh Maraye ne regrette pas son engagement mais a fait refermer la porte du parti dans son dos, sans animosité. Il faut croire que le jeune homme s’était engagé dans cette aventure avec l’espoir de pouvoir apporter quelques changements.
Il justifie : “Je veux que mes enfants trouvent leurs places dans ce pays. La politisation de presque toutes les activités à Maurice est insupportable. Cela va des mairies aux écoles en passant par nos institutions et même le privé. Et le mal communal s’infiltre partout”, s’indigne l’homme. Sauf qu’en six mois on ne change pas les us et coutumes des partis traditionnels et encore moins le système qui sous-tend la politique locale. Le décalage est net entre la réalité et ses aspirations d’un pays plus juste et dans lequel la démocratie participative se mesurerait à tous les niveaux. Il avoue avoir été prévenu par son entourage, plus particulièrement ses parents, dont son père, Dan Maraye, ancien gouverneur de la Banque de Maurice et fin observateur de la vie politique. Mais l’ancien élève du collège du Saint-Esprit n’en a fait qu’à sa tête.
Sa famille, son socle !
Il redécouvre, après de longues années d’études et de travail en Angleterre, puis en Ecosse, que les mentalités évoluent, certes, mais pas forcément à la vitesse que l’on souhaite. Lui a vécu de grands moments de partage avec les profs qui, dit-il, “avaient une ouverture d’esprit et nous encourageaient à réfléchir sur nous et sur le monde.”
Dhanesh affirme avoir gardé de ses années de collèges non seulement des savoirs, un savoir-vivre ensemble, mais aussi des liens d’amitié indéfectibles. C’est une des raisons pour lesquelles Neeve, son épouse, une ancienne élève du Couvent de Lorette de Curepipe, et lui n’ont pas hésité à inscrire leur enfants dans des écoles confessionnelles. “C’est un système éducatif que nous connaissons. Pour nous, au-delà des acquis académiques, il est important que nos enfants vivent les valeurs qui sont enseignées dans ces établissements.”
Dhanesh Maraye est un papa qui parle de ses deux enfants la bouche pleine. S’il avoue que c’est sa femme qui se charge du suivi des devoirs, lui affirme se consacrer volontiers au jardinage avec eux ou se passionne de leur partager des découvertes à travers les documentaires. Ses propos laissent vite comprendre que sa famille c’est son socle. Il apprécie particulièrement les moments qu’il s’offre en famille sur la plage de Flic-en-Flac. Parfois, c’est seul, très tôt le matin, qu’il entreprend de longues marches quasi méditatives sur cette plage. Il lâche dans le même souffle une pensée à voix haute : “Maurice est un très beau pays où il fait bon vivre. Il faut que la bonne gouvernance, l’honnêteté, le respect de l’autre et de la nature gagnent du terrain. Je rêve que ce pays devienne celui où les gens sont les plus heureux. Nous avons ce potentiel.”
En attendant qu’une “énergie collective nous porte vers ces changements”, à la tête de son entreprise, Bean Tree Capital, depuis 2008, le quadragénaire essaie de faire conjuguer les finances et le développement durable. Il présente les projets viables en matière d’énergie, d’agriculture, de logement et d’éducation à des investisseurs potentiels et gère leur suivi. Cette entreprise tournée vers le continent africain essentiellement traite de projets qui oscillent entre USD 500 000 et 20 millions. Il affirme que “ce qui m’intéresse c’est de développer des projets qui ont un impact social important pour les communautés.” Autant dire qu’après sa déconvenue politique, il n’a pas hésité à retrouver son travail, là où son influence sur des populations n’est pas fictive !