REDMOND & ELAINE HART
A l’épreuve du temps !
Redmond Hart de Keating, notaire réputé de Port-Louis, et son épouse Elaine, née Harel, ont fêté l’année dernière leur 70 ans de mariage. Ensemble, ils ont eu 5 enfants, 20 petits-enfants, 41 arrière-petits-enfants. Chaque matin, avant d’aller travailler, Redmond embrasse tendrement son épouse. C’est un rituel. Roxane, leur fille, nous raconte avec émotion le parcours exceptionnel de ses parents.
Nous sommes en 1942, le monde est en guerre. Elaine Harel a 14 ans et mène une vie paisible et insouciante auprès de sa famille, sur la propriété sucrière de Beau-Vallon. Redmond Hart de Keating est un beau jeune homme de 17 ans. Il vit à Curepipe et vient parfois passer le week-end dans le sud, chez son oncle Paul Bax.
En cet après-midi ensoleillé, sa tante, Marie Bax, lui demande de l’accompagner chez Pak Soo, à Mahébourg, pour faire ses courses. Une très jolie jeune fille vêtue d’une petite jupe-culotte à carreaux rouges et d’une chemise blanche croise leur chemin. Elle tient à la main une raquette de tennis. Pour Redmond, le coup de foudre est immédiat.
Le lendemain, il va rejoindre ses amis sur le court de tennis, situé près de l’usine sucrière. Elaine est là et Redmond n’a d’yeux que pour elle. Elle est magnifique avec ses longs cheveux ondulés châtains, ses yeux d’un vert transparent et son sourire espiègle. A compter de ce jour, Redmond revient régulièrement dans le sud pour passer ses week-ends chez l’oncle Paul. Il lui arrive même de faire le trajet entre Curepipe et Beau-Vallon à bicyclette. Tous les prétextes sont bons pour retrouver sa dulcinée.
Redmond a 19 ans quand il demande la main d’Elaine, 16 ans. Madame Harel considère qu’ils sont beaucoup trop jeunes pour se marier. Aussi, les fiançailles durent une éternité : deux ans, cinq mois et six jours ! A l’époque, Redmond travaille comme clerc de notaire à l’étude de son père, à Port-Louis. Pour le récompenser de son bon travail et en vue de son prochain mariage, il reçoit une augmentation de salaire bien méritée. A partir du 1er octobre 1947, il touche donc Rs 300 par mois. L’heure est venue pour lui de prouver à ses beaux-parents qu’il a les moyens de fonder une famille. Aussi, il établit son budget mensuel à la roupie près : Rs 27 pour le trajet d’autobus entre Curepipe et Port-Louis, Rs 91 pour louer une maison, Rs 15 pour payer la bonne à tout faire, Rs 75 pour la nounou des enfants… La différence servira évidemment à nourrir sa famille.
Le mariage d’Edmond et d’Elaine est célébré le 6 octobre 1947 chez les parents de la jeune femme, à Beau-Vallon. Le jeune couple est alors âgé de 21 et 19 ans respectivement. Elaine a une profonde admiration pour son mari. Désormais elle ne s’appelle plus Elaine Harel, ni-même Elaine Hart de Keating, mais préfère se présenter comme madame Redmond Hart. C’est lui l’homme de sa vie. Elle et lui ne font qu’un. De leur union naîtra cinq enfants : Emma, Christine, Patrick, Brigitte et Roxane.
Chaussettes au four
En 1953, Redmond devient enfin notaire et ouvre sa propre étude à Port-Louis. Elaine, elle, dédie toute sa vie à prendre soin de sa famille. Elle se réveille à l’aube tous les jours et se met au fourneau pour que ses enfants et son époux puissent manger un repas chaud avant d’aller à l’école ou au travail. Elle s’assure que le complet de son mari soit net, le col de sa chemise propre. Les uniformes d’école sont bien repassés et les souliers brillent. Mince ! Les chaussettes sont encore mouillées à cause de l’humidité de Curepipe… Il n’y a pas de sèche-linge à cette époque. Vite, on met les chaussettes au four pour les faire sécher !
Il est l’heure pour Redmond d’aller travailler. II serre sa femme dans ses bras et l’embrasse tendrement. Les retrouvailles seront aussi passionnées quand il retournera à la maison l’après-midi, après une longue journée au bureau. Pendant la journée, Elaine assure les mouvements d’école, coud des robes pour elle et ses filles et prend soin des familles pauvres.
La maison familiale de Curepipe retentit de musique et de joie. Les week-ends se passent souvent au campement familial ; celui de Tamarin jusqu’en 1963, puis à Pereybère. Les amis sont toujours les bienvenus à chaque repas. Les 20 petits-enfants et 41 arrière-petits-enfants connaitront mieux : La Colombière, à Poste Lafayette, et leur villa actuelle, à Roches-Noires, qui ne désemplit jamais.
Le parcours d’Elaine et de Redmond, qui ont célébré leurs noces de Platine le 6 octobre 2017, n’a pas toujours été rose. Il a quelques fois été parsemé d’embûches, d’obstacles, mais l’amour et la tolérance leur ont toujours permis de surmonter les épreuves et de s’aimer encore plus aujourd’hui. L’année 2018 a d’ailleurs débuté bien tristement pour ce vieux couple avec le décès de leur fils unique, Patrick, emporté par la maladie.
Aujourd’hui encore, malgré l’âge, Redmond se rend chaque jour à son bureau de Port-Louis, après avoir embrassé affectueusement la femme de sa vie. La retraite ? Très peu pour lui. Il s’ennuierait à la maison. Il fêtera ses 93 ans le 30 octobre prochain tandis qu’Elaine célébrera ses 90 ans le 18 aout. Et preuve que l’histoire n’est pas prête de s’arrêter là, ce mois-ci, à Brisbane, en Australie, naîtra le premier bébé de la cinquième génération…
Roxane HART DE KEATING