Ghirish Dudhee

Le rêve américain

De sa petite île Maurice aux coulisses d’hôtels de luxe américains, voici l’incroyable parcours de Ghirish Dudhee, un jeune boursier de Vatel, école de management hôtelier dirigée par Renaud Azema.

✍ Jean-François LECKNING

C’est un exemple de réussite qui mérite d’être valorisé. Ghirish Dudhee, un boursier de Vatel, a eu l’opportunité de vivre deux expériences américaines exceptionnelle. Ses stages à San Francisco l’année dernière et actuellement dans le Massachusetts témoignent de l’opportunité qu’offre Vatel de se projeter sur la scène internationale de l’hôtellerie. Ces expériences ont permis à Ghirish de développer de solides compétences.

En 2020, la pandémie de Covid-19 a brutalement interrompu le cours paisible de la vie de Ghirish. Son père, palefrenier au Mauritius Turf Club, est mis au chômage forcé, plongeant la famille Dudhee dans une incertitude angoissante. “Nous étions complètement déstabilisés. Pour soutenir mes parents, j’ai décidé de sortir de ma zone de confort”, confie le jeune homme, qui venait de compléter ses études secondaires.

Ghirish s’inscrit à des cours de pâtisserie chez Top Chef, une petite école privée, en vue de pouvoir trouver de l’emploi. “Je n’avais aucune base, c’était comme de l’alchimie pour moi ! Mais j’ai rapidement pris goût et j’ai été le premier surpris de mes progrès.” Son chargé de cours repère très vite son potentiel et le recommande pour un stage au Marriott.  Une énorme opportunité. Mais Ghirish ne sait pas trop quoi penser. “L’hôtellerie n’était pas du tout dans mes plans et ne suscitait aucune vocation. C’était un monde inconnu, avec ses codes et ses exigences.” Aussi, l’idée de travailler de longues heures dans un environnement aussi exigeant ne l’attirait pas du tout.

Malgré ses réticences initiales, mais sans grande conviction, Ghirish accepte. “Bien m’en a pris ! J’ai été accueilli à bras ouverts. J’ai beaucoup appris sur l’art de la pâtisserie. J’ai été formé par des professionnels passionnés qui m’ont transmis leur savoir-faire et leur amour du métier.” De quoi lui donner l’envie de se surpasser.

Un jour, il reçoit un appel de sa tante qui l’informe des bourses Vatel. Elles sont destinées aux jeunes qui ont du potentiel mais dont les parents n’ont pas les moyens de financer des études de trois ans. Elle l’encourage à tenter sa chance, convaincu qu’une formation renforcerait ses perspectives futures de carrière. Malgré ses réticences – Il venait à peine de commencer au Marriott –, le jeune homme postule, mais sans vraiment y croire. “Vatel me semblait inaccessible. J’étais convaincu de ne pas avoir le niveau pour être admis dans une si grande école.”

Aussi, le jour de la sélection, Girish Dudhee se présente sans grande conviction. Il parle de sa brève expérience avec une sincérité qui séduit pourtant Renaud Azéma, le directeur de Vatel. À sa grande surprise, il est admis. Il est pourtant tiraillé entre la joie et l’appréhension d’avoir à annoncer à son chef, au Marriott, qu’il doit déjà le quitter. Loin de le blâmer, ce dernier l’encourage au contraire à saisir cette opportunité. “Il était très heureux pour moi.”

Dès sa deuxième années d’études à Vatel, Ghirish se voit donner la possibilité d’un stage pratique au Hennessy Park Hotel, à Ebène. “J’ai été très encadré. J’ai enchaîné les départements, ce qui m’a vraiment permis de découvrir le monde exigeant de l’hôtellerie”, se souvient-il, évoquant notamment ses passages à la réception, au housekeeping et dans le FNB. Il s’implique suffisamment pour se voir décerner l’Award du « Meilleur stagiaire de l’année ».

L’offre inattendue

Durant son stage au Hennessy Park, un client le remarque. Il s’agit d’Anil Lockee, directeur de Think Recruitment & Think Career.  “Je connais tes compétences. Tu devrais penser à l’Amérique. Est-ce que ça t’intéresse ?” Une perspective qui, à l’époque, semblait hors de portée pour Ghirish. “Qu’est-ce qu’un modeste stagiaire comme moi allai bien pouvoir faire aux Etats-Unis. Je n’avais de surcroit pas les moyens de m’y rendre.” Pourtant, Anil Lockee persiste : “Viens me voir à mon bureau et on trouvera la solution.” Sitôt dit, sitôt fait. C’est décidé, il tentera sa chance.

Alors qu’il s’affaire aux préparatifs de son départ pour l’Amérique, prévu pour octobre 2023, un événement inattendu vient bouleverser ses plans : son père se blesse gravement. Ghirish se sent alors tiraillé. “Je n’ai pas le droit d’abandonner ma famille dans un moment pareil”, pense-t-il. Aîné de la fratrie, il ressent peser sur ses épaules le poids de sa maisonnée. Sa mère, pourtant, l’encourage à poursuivre ses rêves : “Tu dois partir tenter ta chance.”

Parallèlement, son père reçoit une indemnisation de Rs 250 000, somme coïncidente avec celle nécessaire à son départ. “Papa, j’ai quelque chose de difficile à te demander, mais puis-je emprunter cet argent ? Je promets de te rembourser après mes études”, ose-t-il. Il était mal à l’aise à l’idée de solliciter son père pour une somme aussi importante. “Pour notre famille, modeste, ça représentait beaucoup d’argent”. Mais son père a lui aussi envie de voir son fils réussir.

Ghirish s’envole pour la Californie le 23 octobre, entamant ainsi une aventure de six mois qui bouleversera sa vie. “Jamais de ma vie je n’aurais imaginé mettre les pieds dans un aéroport, et voilà que je me retrouvais aux États-Unis. Un autre monde, un choc culturel immense !”, se souvient-il. Engagé comme serveur au Smoke Tree Ranch, un somptueux country-club niché dans le comté de Ford, il découvre un monde à part, une sorte de communauté fermée réservée à une élite fortunée. “Rien à voir avec tout ce que j’avais connu à Maurice. C’était comme un rêve éveillé. J’avais les étoiles plein les yeux.”

L’étudiant de Vatel poursuit : “Avant mon départ, on m’avait mis en garde contre le racisme ambiant aux États-Unis. J’ai, au contraire, été accueilli avec une chaleur humaine inattendue. Les clichés que je nourrissais se sont rapidement effondrés. J’ai noué des liens sincères avec de nombreuses personnes, comme Stewart, un gentil monsieur d’un certain âge qui m’invitait chez lui et me considérait comme son petit-fils”, se souvient Ghirish.

Il a également la chance de côtoyer plusieurs célébrités, dont Diane Keaton, l’inoubliable star du Parrain, et William Ford, le petit-fils d’Henry Ford. “Ils étaient tous d’une simplicité désarmante, s’intéressant de près à ma vie et à ma culture. Leur gentillesse m’a profondément touché. Mon anglais, avec mon accent créole, suscitait toujours un sourire bienveillant. Les clients m’appelaient par mon prénom et étaient curieux d’en savoir plus sur Maurice ”