Par Jean-François LECKNING
Des chiffres ou des lettres ?
A l’école, je ne comprenais jamais rien aux mathématiques. On me dit que je souffrais peut-être de dyscalculie, un trouble d’apprentissage moins connu que la dyslexie, sa cousine. Moi je dis que c’était plutôt un trouble d’intérêt.
Pour faire simple, j’ai buggé dès que j’ai aperçu ma prof de maths. C’est pas qu’elle n’était pas jolie la Chantal, au contraire, mais elle faisait de drôles de dessins au tableau. Et elle s’offusquait que je prenne souvent un air étonné. Faut dire que c’était encore l’époque où les profs trouvaient ça amusant de nous tirer les oreilles. Dans mon cas, ça sifflait grave.
Je me suis accroché tant que j’ai pu. Disons que je ne ramenais pas que des zéros. Mais les choses se sont drôlement compliquées au secondaire. Au collège du Saint-Esprit, ça multipliait et ça divisait à un rythme effréné. Il était maintenant question de Pythagore, de Thalès, d’équerre, d’algèbre, de trigonométrie, de coefficient, de déterminant… Du polonais je vous dis ; un vrai cauchemar !
Pour corser le tout et décupler mon complexe, j’étais assis entre deux “génies” qui ne se contentaient pas de résoudre toutes les équations possibles et imaginables, genre -3x > -1… Non, fallait encore qu’ils suggèrent à la prof de m’envoyer à l’échafaud pour la prochaine formule. Ruben et Norbert, si vous me lisez, c’est sans rancune ! Fallait vraiment que je règle ce vieux contentieux.
La seule fois où je me suis distingué en cours de maths, c’était quand, avec deux autres copains, nous avions glué la prof sur sa chaise. Un bon coup de Pattex pour faire rire la classe. Pardon madame Glover ! Au final, c’est moi qui aie ri jaune. Je n’ai pas pris perpète, mais presque : trois jours de renvoi, lettre à signer par les parents ! Tu parles d’un souvenir !
Tout ça pour vous dire que mes années de collège auraient peut-être été plus abouties et plus excitantes si le système ne m’avait pas obligé à trainer cette torture matheuse jusqu’aux examens de SC où, évidemment, j’ai été brillamment recalé avec un 8 qui a dévalorisé tout le reste, à commencer par mes distinctions en langue.
Je n’ai jamais compris pourquoi le système éducatif, ici comme ailleurs, mais ici plus qu’ailleurs, ne tient pas compte des prédispositions naturelles et des intérêts de l’élève plus tôt que ça. Ni, non plus, pourquoi des matières comme le sport, le dessin, la musique ou l’agriculture, susceptibles d’ouvrir tellement de portes aux jeunes, n’ont pas une place plus importante dans le cursus.
Parce qu’il s’agit d’inclure et non d’exclure, parce que chaque enfant est différent, une évaluation constructive de son potentiel et de ses intérêts dès le plus jeune âge, et l’introduction d’une pédagogie différenciée, aurait sans doute évité bien des naufrages en fin de cycle. Certains pays, comme la Finlande, l’ont compris. D’autres, comme Maurice, ne se sont même pas encore posé la question. Mais je suppose que ça viendra.