Par Karine HAREL
En chair de femme
Être femme, ce n’est pas qu’une histoire d’émotions.
Objet de convoitise, sujet de discussion, enveloppe protectrice, argument de vente, cible d’abus de toutes sortes, lieu de complexes infinis, berceau de la vie, inspiration des tendances de mode : le corps de la femme a lui aussi des histoires à raconter.
Tandis que nous mettons beaucoup d’énergie à observer, admirer et juger ces corps qui ne sont pas les nôtres, à jalouser ce que nous n’avons pas, à souhaiter que ces défauts ici et là s’effacent comme par magie, nous en oublions notre propre histoire, celle qui est inscrite dans chaque partie de notre enveloppe corporelle.
Ces hanches que l’on trouve trop larges décrivent surtout la vie qu’elles ont abritée alors que d’autres plus serrées disent leur douleur de ne jamais s’être élargies.
Ces seins que l’on trouve aplatis racontent ces bouches qu’ils ont nourri alors que d’autres, plus épanouis, cachent des marques brûlantes de mains trop baladeuses.
Ces vergetures, ici et là, parlent encore de cette immense élasticité que seuls nos corps peuvent encaisser.
Ces périnées qui font la loi rappellent ce douloureux cadeau que sont ces vies que l’on donne.
Ces cicatrices qui détonnent sur un visage trop lisse expriment le long chemin de la convalescence et la souffrance qui s’y rattache.
Ces rides qui apparaissent sans crier gare restent les gardiens de ces rires partagés et de ces souvenirs que l’on porte.
Ces kilos qui s’accrochent révèlent ces hormones élues présidentes, ultimes dirigeantes d’un régime totalitaire.
Cette peau d’orange, que l’on appelle ainsi pour mieux atténuer leur réalité, disent avant tout que la perfection est souvent une injustice sans foi ni loi.
Ces cheveux, trop lisses, trop bouclés, trop longs, trop courts, trop foncés, trop blancs, toujours parfaits chez les autres et jamais chez soi, crient leur déception envers ces fées qui, sur notre berceau, ne se sont jamais penchées.
Ces veines, comme des toiles d’araignée, nous rappellent que notre corps est fait de circuits sanguins, que parfois le trafic est dense mais que nous sommes bien vivantes.
Et cette autre qui ne porte aucun de ces défauts nous dira que parfois le corps n’exprime pas tout et que le cœur peut lui aussi porter des bagages trop lourds et souvent invisibles à l’œil nu.
Oui, être femme, ce n’est pas qu’une histoire d’émotions.
Être femme, c’est porter son histoire malgré soi et c’est pouvoir lire celle des autres sans avoir besoin qu’elles nous les racontent.
Cette histoire, c’est la nôtre.
Soyons-en fières.