Par Jean-François LECKNING

Le sens d’un engagement

La multiplication, ces jours-ci, de cas avérés de brutalité policière accentue la dégradation de l’image de la police dans l’opinion publique. Une image déjà largement entachée par une succession de scandales éthiques et cette perception entretenue qu’elle est d’abord au service du pouvoir avant d’être au service de la société.

A l’ère des réseaux sociaux, où tout se sait, où tout est amplifié, nous aurions apprécié que l’inspecteur Shiva Coothen, le chargé de communication de la police, nous dise que les tortures infligées au détenu Christopher Pierre-Louis et à d’autres relèvent de méthodes moyenâgeuses qui ont profondément choqué et bouleversé l’état-major de la police. Il n’en fut rien. Au lieu de ça, nous avons eu droit à l’étonnement du nouveau Commissaire de Police, Anil Kumar Dip, quant au timing de la publication de certaines vidéos. Surréaliste !

Evidemment, la pression de l’opinion publique est telle aujourd’hui que les trois principaux suspects dans l’affaire Pierre-Louis – l’inspecteur Deeroochoonee, le sergent Reedoye et le constable Gookhool – auront probablement, tôt ou tard, à répondre de leurs actes s’il s’avère qu’ils sont coupables. Mais cela ne saurait suffire. La gangrène est tellement profonde, la réputation et la crédibilité de la police tellement entamées depuis un moment déjà que seul un audit sérieux, une vraie remise en question à tous les niveaux, aurait un sens.

Puisqu’il faut commencer par le commencement, la première étape de cet audit devrait concerner le recrutement. Or, il nous semble que de bons candidats sont régulièrement laissés sur la touche. Parfois, j’en ai bien peur, juste parce qu’ils n’ont pas le bon profil ethnique. A l’inverse, quelques gros plein de soupe arrivent à se frayer un chemin. Ils auraient apparemment les liens de sang et les connections politiques nécessaires.

De par la nature et les exigences de son métier, un policier doit être en bonne condition physique. Mais pas que. Il doit surtout avoir un sens profond de l’honneur et du dévouement, être respectueux de la dignité humaine en toute circonstance et être capable d’amarrer la diplomatie à l’autorité. J’en connais plusieurs qui ne cochent aucune de ces cases. Pas vous ?

Il est aujourd’hui essentiel de redonner un sens à l’engagement dans cette profession, de remettre sur la table les valeurs du métier afin de limiter les risques de voir proliférer des brebis galeuses indignes de l’uniforme qu’ils prétendent vouloir porter.

On ne devient pas policier par défaut. On le devient par choix. Le choix de servir une nation, d’avoir un impact positif sur la société. On s’engage en comprenant que c’est une lourde responsabilité qui doit s’accompagner d’une promesse aux citoyens. Celle de veiller au respect de la loi, au maintien de l’ordre et à la sécurité publique. Celle, surtout, de ne jamais contrevenir à l’éthique et d’effectuer ses missions en toute impartialité, dans le plus grand respect des droits de l’homme et du citoyen. Avec ou sans tatouage.

La police mauricienne est-elle disposée à reprendre le chemin de sa grandeur passée ? Pas sûr. Ses priorités semblent malheureusement être ailleurs.