Colette Bernon-Larose

L’art vaincra

Sa conscience écologique éveille son énergie créatrice. Dans ses toiles, Colette s’efforce toutefois de montrer le côté positif de la nature : beau, les couleurs et la vie… Son outil : l’art pictural.

Texte : Axelle GAILLARD – Photo : Brady GOORAPPA

Colette Bernon-Larose a toujours eu la fibre écologique. Cette jeune femme de 36 ans a découvert la peinture et l’art en général lorsqu’elle était encore au collège. Inspirée et motivée par ses enseignants, elle s’est imprégnée des diverses techniques de création et s’est passionnée graduellement pour l’impression au bloc de bois, une technique d’impression de motifs, d’images et de textes largement exploitée dans l’Asie de l’Est et en Chine, où elle a été utilisée dès l’antiquité comme méthode d’impression textile, puis sur papier.

“J’aime travailler la matière et éviter qu’elle soit lisse. J’aime qu’elle se présente avec une structure définie”, explique Colette, qui recueille toutes sortes d’accessoires et de supports qui donnent lieu à de surprenantes associations. Le produit fini prend alors naissance, entre le classique acrylique et ces matériaux uniques à qui l’artiste octroie une deuxième vie.

“Je pense avoir rencontré les bonnes personnes au bon moment”, se félicite la jeune femme. “Romane Carver, ma prof d’arts au Collège Lorette de Saint-Pierre, est jusqu’aujourd’hui encore une vraie source d’inspiration pour moi.” Après ses études secondaires, Colette avait intégré la “School of Design“ et commencé à travailler dans le textile pour la création de dessins destinés à la confection. Elle allait ensuite faire l’expérience de l’enseignement dans des établissements scolaires privés, avant de prendre un chemin différent, son chemin. “J’ai souhaité, à un moment clé de ma vie, commencé à travailler pour moi. Je ressentais le besoin de plus de liberté ; liberté tant physique qu’intellectuelle”, explique-t-elle.

Il est impossible de mettre cette jeune artiste dans un moule. Impossible de la forger à l’image d’une société formatée. Colette Bernon-Larose est un électron libre. Pour créer, pour oser, pour se sublimer, elle a besoin de cette liberté sans laquelle elle ne peut s’épanouir. L’artiste est consciente que notre environnement va de plus en plus mal. Que nous sommes envahis par la pollution plastique. C’est ainsi qu’elle s’est laissée interpeller par des photos de son ancienne collègue Sarah Albert, qui traîne sa caméra lorsqu’elle fait de la plongée sous-marine, et qu’elle voit défiler sur les réseaux sociaux. Ces photos font la part belle à des espèces marines qu’elle ne connaissait pas. Colette les reçoit comme une poésie de la Mère Nature. L’art écologique s’affirme de plus en plus comme une véritable tendance de la création contemporaine. Colette se laisse happer par la vague. Elle est probablement, aujourd’hui, l’une des éco-artistes les plus inspirantes que nous avons à Maurice.

En janvier de l’année dernière, l’artiste a monté une exposition au Caudan Arts Centre au nom d’anti-PLASTIK avec des toiles qui visaient à faire comprendre aux gens que nous devons tous appliquer des règles de bon sens pour préserver les ressources et respecter l’environnement au quotidien. Parce qu’en réalité, nous sommes tous concernés ; nous devons tous prendre conscience de l’urgence la situation et de l’impact de nos mauvaises habitudes de consommation sur les extinctions de masse et sur l’effondrement de la biodiversité. “Les ravages de notre société sur la nature sont indéniables, mais, moi, je veux montrer dans mes toiles le côté positif de la nature… Le beau, les couleurs, la vie !”

Et parallèlement…

C’est toute une éducation que Colette souhaite apporter. Elle veut utiliser son art comme un vecteur positif, comme un mode d’éducation pour promouvoir sa démarche environnementale auprès de la population mauricienne. Son besoin de créer est illimité. Elle souhaite prolonger ses réflexions visionnaires sur la possibilité de vivre dans une île Maurice sereine et encore plus belle. “Notre pays est rempli de contradictions, avec de merveilleux paysages et des hôtels partout… J’aime éperdument mon île Maurice et je pense qu’il y a encore des choses à sauver. Notre île, j’en suis persuadée, a besoin d’harmonie.”

Colette vit dans l’est de l’île et a apportait jusqu’à tout récemment ses services à la Craft Academy de Poste-de-Flacq. Ce lieu accueille des enfants en difficulté et de milieux défavorisés. Il a pour objectif de les initier à l’Art et de les accueillir dans un lieu sécurisant qui leur offre de bonnes conditions pour s’épanouir. Les enfants explorent différentes pratiques artistiques, découvrent d’autres rapports possibles au monde et enrichissent leurs modes d’expression. “Quand ils viennent au centre, explique Colette, ils sont souvent paumés. Nous leur enseignons les bases : par exemple, comment tenir un crayon ! C’est un geste simple, certes, mais quand on sait que dans certains milieux il s’agit plutôt de se battre pour survivre, vous comprendrez que ce n’est pas un acquis pour certains enfants… Cette approche me conforte dans mes choix.”

Après son passage à la Craft Academy de Poste-de-Flacq, Colette a collaboré avec l’artiste sud-africaine Ilse Mikula. “Nous avons travaillé sur le projet « Récit de vie » et publié quelques exemplaires de ce beau recueil. La page est, du reste, toujours active sur Facebook, où les enfants ont pu illustrer et raconter leurs histoires.”

La jeune femme nous parle aussi d’une exposition en construction sur le thème de la violence conjugale, “pour aller à la rencontre de l’autre”… Mais ce n’est pas tout. “Actuellement, je propose des ateliers de dessins, de peinture ou de créations diverses dans l’Est ou à Port-Louis. Il est aussi possible de me contacter pour des cours à domicile à travers ma page Facebook COL n ART.”

Pour se ressourcer, Colette s’enferme dans sa bulle, écoute de la musique, s’isole et crée, peint et fait naître ses œuvres. “Peindre est un équilibre” nous dit-elle. Son inspiration ? Elle la doit à la spontanéité de son fils de quatre ans, à son mari, à la couleur et à la lumière de la nature dans l’Est de l’île. Cette famille qu’elle a fondée est la plus belle de ses œuvres, la plus précieuse ; elle la garde dans un écrin de discrétion à l’abri de sa vie publique.